
«Je hais les jeunes filles», c’est une anthologie du magazine féminin français 20 ans publiée récemment aux Éditions rue Fromentin, confectionnée par Marie Barbier.
Mais attention, il s’agit essentiellement de sa période 1992-2003 dirigée par la rédactrice en chef Isabelle Chazot. Sa grande époque, paraît-il. Bénie. Les ventes montaient en flèche. Les lecteurs et collaborateurs semblaient vénérer ce 20 ans-là, tant il est vrai qu’un changement d’équipe ou de propriétaire peut vous saper un journal, le traîner vers le bas, le plus populaire, le moins critique…
Pour ce 20 ans-là, on parle d’irrévérence, de non conformisme, d’humour. Sur la couverture, on donne un aperçu des sujets traités et ils sont fort alléchants. Extraits choisis:
(1993) Êtes-vous frigide? – Vivre grosse – Peut-on violer un mec et comment
(1994) Moche et sexy, ceux qui préfèrent les vilaines
(1995) 50 raisons de ne pas suivre des cours de théâtre – Êtes-vous une petite vicieuse?
(1996) 40 plans minables pour garder un mec
Vaste programme. Le ton est là, la dérision, omniprésente. Enfin un style qui plaira à ceux qui ne lisent pas la presse féminine.
Or, la déception guette. Ce serait trop beau. D’abord, pratiquement aucun des articles cités en couverture ne sont repris dans le livre! Et comme il n’y a pas de table des matières, on ne peut s’en rendre compte qu’en le lisant. Seule environ la moitié des 241 pages reprend des textes du 20 ans d’époque. Le reste est consacré à l’histoire de la revue, aux témoignages des collaborateurs ou lecteurs. Des plumes connues ont écrit dans le magazine: Alain Soral, Simon Liberati. On a tendu le micro très tôt à Michel Houellebecq, à Bertrand Burgalat.
Ça laisse sur notre faim. On nous raconte longuement à quel point ce journal était formidable, mais les articles qu’on nous donne comme preuves n’arrivent pas souvent à convaincre. On se sent floué.
Enfin, je parle pour ceux qui, comme moi, ne connaissaient pas 20 ans et voulaient utiliser ce livre comme séance de rattrapage. Trop de blabla, pas assez d’articles reproduits.
C’est dommage car certains textes sont tout de même très bons. On y trouve une entrevue hilarante avec le comédien Albert Dupontel, qui semble consterné par la bêtise (volontaire) des questions qu’on lui pose. C’est ainsi que l’on se rend compte que Technikart n’a rien inventé avec sa rubrique «Une interview mal préparée donne toujours un mauvais papier».
Un des sommets de cette anthologie est une chronique de Diastème (devenu depuis écrivain aussi, comme Liberati) de 2002 intitulée «Zéro Trois».
On referme ce bouquin avec l’impression que 20 ans avait effectivement une démarche originale, contestataire (contre la surconsommation, la pensée molle, le conformisme), bellement et joyeusement féministe.
C’était salutaire. Ça le serait encore. À quand une nouvelle anthologie, plus copieuse, pour le prouver?
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