Archive for septembre 2011

La discothèque idéale # 6

19 septembre 2011

Harmonium, éponyme (1974)

S’il fallait ne garder qu’un seul disque d’Harmonium, je choisirais L’Heptade, car il s’agit de leur chef-d’oeuvre, le plus travaillé, le plus durable. Un album à placer à côté du « Jaune » de Ferland, section audace, grandeur, démesure. Mais L’Heptade n’est pas, selon moi, un «pur » album de chanson, au sens où la musique est tout aussi importante (voire plus) que les paroles et la mélodie. C’est une oeuvre musicale, incluant des passages chantés. Dans la même catégorie, je classerais «Histoire de Melody Nelson » de Serge Gainsbourg, « L’imprudence » d’Alain Bashung ou les opus avec orchestres symphoniques de Léo Ferré. Ce n’est pas de la chanson, c’est autre chose, une classe à part. Ni pire, ni mieux. Comme la nouvelle par rapport au roman. Nulle hiérarchie.

Mais lorsqu’on parle de chanson idéale, dans mon esprit, c’est l’alliance parfaite et équitable entre mélodie/paroles/arrangements. Et de préférence, en chanson populaire, avec des extraits que l’on peut se chanter soi-même, sous la douche ou dans un ravin.

Alors dans ce cas-ci, un des meilleurs disques de chanson québécoise, c’est le premier album éponyme d’Harmonium. Une ribambelle d’oeuvres parfaites pour les feux de camp (Pour un instant; Un musicien parmi tant d’autres; De la chambre au salon) et du lyrisme bouleversant (Vieilles courroies).

On est au milieu des années 70, et c’est toujours avec la même ferveur qu’on réécoute aujourd’hui ce premier saut d’Harmonium. La concurrence sera rude (Beau Dommage; Octobre; Aut’Chose; etc.) mais ce disque reste le plus représentatif de ce qu’a été cette décennie au Québec.

Un classique, tout simplement.

(billet publié le 5 février 2007)

Vian dans la télé

15 septembre 2011

Pour ceux que ça intéresse, tv5 Québec présente ce soir un film de fiction sur la vie de Boris Vian.

Ce téléfilm de 2009 met en vedette Laurent Lucas dans le rôle de Boris et Julie Gayet dans celui de sa femme!

Curieux de voir le résultat…

La fiche sur allocine

Et sur tv5

V comme Vian, jeudi 20 h à tv5

Chansons ordinaires

12 septembre 2011

«Chansons ordinaires», c’est le nouvel album de Miossec qui sort aujourd’hui en France, et il porte bien son titre. Après une première écoute, on n’en retient pas grand-chose: c’est lisse, assez fade, ça tombe à plat. Les guitares électriques énervées singent celles du deuxième disque, «Baiser» (1997). Mais contrairement à ce dernier, les mots n’accrochent pas l’oreille, les refrains ne ressortent pas.

La trouvaille, à part ce titre plein de dérision mais qui finalement sonne peut-être juste, c’est d’appeler tous les morceaux Chanson.

On a Chanson pour les amis, médiocre premier extrait. Le reste est à l’avenant: Chanson dramatique; Chanson du bon vieux temps; Chanson sympathique; etc.

A priori, alors qu’il y a des tonnes de bons disques à se mettre dans les oreilles, ça ne donne pas très envie de se repasser celui-ci. On le sait, Miossec alterne les réussites (Boire; Baiser; Brûle; Finistériens) et les échecs (tous les autres opus, sauf quelques chansons éparses).

C’est un artiste dont on attend autre chose que de l’ordinaire…

Tout petit, la planète

11 septembre 2011

Septembre 2001. Pendant qu’un étudiant québécois s’échine à écrire sa maîtrise sur le chanteur français Jean-Roger Caussimon, les amateurs de téléséries américaines s’apprêtent à vivre deux grands chocs : les débuts d’Alias et de 24 à la télévision.

En France, le groupe Noir Désir lance le disque «Des visages, des figures» le 11 septembre 2001. Sur le moment, on ne sait pas qu’il s’agit de l’ultime album studio. À jamais. Il contient le tube Le vent nous portera avec Manu Chao à la guitare et un inédit de Ferré, Des armes, envoûtant.

On peut aussi y entendre la chanson Le grand incendie dans laquelle Bertrand Cantat chante :

«Ça y est, le grand incendie
Y’a l’feu partout, emergency
Babylone, Paris s’écroulent
New York City,

Iroquois qui déboulent

Maintenant»

Le même jour, à New York, des tours s’effondrent. Des gens proches de Noir Désir ont lancé à la blague : «Vous ne trouvez pas que vous poussez la promo un peu loin?».

Alexandre Varlet: entrevue exclusive (2)

9 septembre 2011

Voici donc le résultat de l’entrevue effectuée par courrier électronique avec Alexandre Varlet.

-Pourquoi avoir sorti votre dernier album, Soleil noir, uniquement en vinyle?

Quitte à vendre peu de disques, quitte à être libre, autant choisir son format de prédilection, autant me démarquer encore plus puisque je n’ai rien à perdre, et me faire plaisir.

-Comment se portent les ventes?

Le disque est sorti en édition ultra limitée à 520 ex, ce qui est un gros chiffre, les chanteurs français à la mode ne vendent pas autant de vinyles loin de là, nous ( avec le label Shayo ) on s’estime heureux, les ventes se font sûrement à un rythme peinard, et le disque est voué à devenir un collector : )

-Est-ce que vous envisagez de vendre sur Internet l’album complet en mp3? Plusieurs artistes ont adopté cette solution pour contrer les problèmes de maisons de disques et de distributions. On en trouve sur le magasin iTunes comme sur d’autres plateformes…

Une sortie cd est prévue pour novembre, parce que beaucoup de fidèles me le demandent. Le mp3 oui mais bientôt sur mon site uniquement, je ne veux plus à moins d’une révolution donner ma musique à des plateformes qui gagneront plus d’argent que moi.

-Sur Soleil noir, on trouve plusieurs morceaux instrumentaux, pour quelles raisons? Avez-vous du mal à écrire ou est-ce un choix artistique?

C’est un vrai choix artistique, j’écoute beaucoup beaucoup de musique instrumentale (Harold Budd, Stars of the lid, Eno … ) et j’ai toujours souhaité faire des disques ainsi, mais une major ne défendra jamais un chanteur français dont la moitié du disque est instru.

Maintenant je suis libre et on ne me les casse plus.

-Que faisait-on pour vous importuner ainsi?
Les choses quand j’écris sortent naturellement, je ne pense pas à l’auditeur ni à la radio, je pense à mon plaisir palliatif, qu’on ne me parle pas de tendance ni de format.

-Composez-vous un instrumental dans le même état d’esprit qu’une chanson?

Absolument, parfois des musiques naissent et aucun mot ne s’impose.

-Comment décririez-vous l’évolution de votre style sur vos quatre albums?

J’ai le sentiment de cultiver une intimité de plus en plus forte, et c’est probablement ce que je fais de mieux à mon goût, du moins ce que je souhaite faire.

-Au Québec, des artistes sont souvent obligés d’avoir un second métier pour arriver à vivre: serveur, ébéniste, commis de club vidéo, etc. J’imagine que la situation est la même en France. Qu’est-ce que ça vous inspire? Que faites-vous à part de la musique?

J’ai exercé plusieurs activités parallèles oui.

Cela ne m’inspire rien de négatif, j’ai bien vécu sur mes deux premiers disques, j’ai eu cette chance là, mais on me parlait de trucs dont je n’avais rien à foutre.

-Comme quoi par exemple?

On découvre un vocabulaire nouveau issu du marketing, on fait croire à l’artiste qu’être en tête de gondole fait partie d’un tout artistique, on nous parle d’artistes qui marchent et de médias qui ne nous ont jamais évoqué grand chose, ni l’envie ni la curiosité.

On se retrouve à travailler dans l’angoisse de savoir si oui ou non notre contrat va être renouvelé.
Comment garder son coeur intact quand on est une petite chose?

-Faites-vous encore des spectacles?

Oui, de façon alternative, chez des particuliers, dans des clubs, quand on m’appelle.

-La suite pour Alexandre Varlet chanteur, c’est quoi?

J’ai un cinquième disque écrit, faut l’enregistrer maintenant.

Alexandre Varlet: entrevue exclusive (1)

7 septembre 2011

C’est bien beau, les rééditions, les vieux chanteurs encore en vie, mais un peu de sang bouillant, ça vaut le coup aussi.

Le Français Alexandre Varlet a lancé son premier album, Naïf comme le couteau, en 1998. Personnellement, je crois me souvenir que je l’ai découvert pour son second, Dragueuse de fond (2003). La version française du magazine Rolling Stone avait publié, sur le CD promo qui accompagnait la revue, une chanson de Varlet : Parfume. Le genre de truc qui accroche tout de suite l’oreille, à la manière chez nous d’un Moran. Ça regorge de sensualité et de guitare acoustique.

Pour son troisième disque, j’écrivais ceci sur mon précédent blogue le 22 juin 2007 : «Après deux premiers albums plus folk, beaux mais un peu linéaires, voici que le jeune homme, dans son nouveau cd, se décide à se dévergonder un peu, à métisser ses somptueuses ballades impressionnistes de rock et de pop. Pour le meilleur. La fusion qu’il opère entre ces différents styles musicaux le mène ailleurs. Plus loin. Varlet casse sa propre routine et réveille des sources électriques en lui. Ça surprend et ça cogne dur. Sa voix, toujours sensuelle, s’épanouit. On sent qu’il s’éclate comme jamais – et nous itou. Ses chansons sont comme des mandarines: juteuses, nutritives. La nouvelle galette s’appelle Ciel de fête. Elle vient de sortir en France. Croisons les doigts pour qu’elle parvienne jusqu’à nous, au plus vite. Les amateurs de chanson française, de folk anglais et d’indie-rock devraient comme moi s’y régaler.»

Bien évidemment, Ciel de fête ne s’est jamais rendu jusqu’au Québec. Même en importation, je crois. L’époque n’était pas au téléchargement payant de mp3 qui, quoiqu’on en dise, permet aux internautes du monde entier de profiter en temps réel des nouveautés européennes (Antoine Loyer, De Calm, etc.).

Pour Soleil noir, le quatrième disque, Varlet a décidé de ne le sortir qu’en version vinyle (avec téléchargement gratuit des mp3 pour les acheteurs du 33 tours). Encore une fois, l’artiste nous offre de très belles choses à se mettre dans les oreilles.

Je l’ai donc sollicité pour une petite entrevue par courriel.

À suivre bientôt…

Quelques liens :

La magnifique chanson Presque monde en écoute ici

http://www.alexandrevarlet.com/

http://alexandrevarlet.blogspot.com/

http://www.youtube.com/watch?v=OKU0hWJcWa8

Café Rimbaud

6 septembre 2011

C’est un réflexe facile : dès qu’un chanteur a une plume un peu agile, qui s’aventure dans les contrées «poétiques», on le qualifie de poète : Brassens, Ferré, Félix Leclerc, etc. Souvent, ils protestent et clament que la poésie est faite pour être lue, mais la chanson, écoutée. Ce n’est pas la même démarche. Ils ont bien raison de décliner le titre de poète, les plus grands paroliers de la francophonie, les Jean-Roger Caussimon, Allain Leprest, Jacques Brel, Alain Souchon…

Les recueils de textes de chansons devraient servir d’aide-mémoire pour chanter des paroles, pour les citer, pas pour les lire silencieusement dans son salon.

Curiosité, il y a même d’excellents auteurs-compositeurs-interprètes, pour qui on a un respect infini, une admiration sans borne (Gilbert Laffaille, Martin Léon, par exemple) qui s’amusent à enlever la musique qu’ils avaient composée pour leurs chansons et à réciter le texte, seul, comme s’il s’agissait d’un poème. Chaque fois, ça alourdit considérablement la chose.

C’est donc avec une certaine appréhension qu’on accueille la réédition de Café Rimbaud parue récemment chez XXI (à qui on doit beaucoup de beaux CD comme l’intégrale de Félix Leclerc ou des rééditions de Georges Dor).

Sur le premier CD, on reprend le 33 tours de 1987 avec la chanson Café Rimbaud en cinq versions différentes. Sur un texte de Lucien Francoeur, cinq compositeurs ont mis une musique et l’ont chanté : Steve Faulkner, Gerry Boulet, Lina Boudreau, Marie Bernard et Michel Rivard. Dans l’ensemble, c’est réussi et bien sympathique.

Par contre, le CD 2 laisse perplexe. Café Rimbaud II reprend un enregistrement produit en 1989 par Radio-Canada qui revisite des classiques de la chanson québécoise mais… récités comme des poèmes par des comédiens (Hélène Loiselle, Sylvie Legault, Marcel Sabourin, Rémy Girard, Élise Guilbault). Parfois, on colle un fond sonore signé Marie Bernard.

Ça a tout de même le mérite de nous convaincre que des paroles, si fines soient-elles, si poétisantes, sont faites pour être chantées. Le reste n’est que boursouflure.

Deux hommes rapaillés

2 septembre 2011

Je fais partie de ceux, nombreux, qui adorent les CD hommage à Gaston Miron, Douze hommes rapaillés.

Je ne connais qu’une seule personne de bon goût qui n’accroche pas trop, mais je lui pardonne, c’est un homme de piano. Moi, je préfère les guitares et elles sont belles sur ces deux disques.

Si c’était une triologie, ce serait parfait. Il ne faudrait pas pousser plus loin, à mon avis. Était-ce Pierre Foglia qui suggérait, à l’avenir, d’explorer d’autres poètes? La grande Chloé Sainte-Marie a beaucoup donné à Miron, et plusieurs des chansons créées par elle se sont ensuite retrouvées chez les douze hommes.

Ça serait très chouette que la belle aventure Miron se termine sur un DVD en spectacle qui réunirait enfin les douze hommes et la femme. Chloé a été la pionnière dans cette histoire, ça ne se dit pas assez… Comme on n’a pas assez dit à quel point le travail de Gilles Bélanger et Louis-Jean Cormier a été essentiel pour faire décoller ces poèmes…

Dimanche dernier, la télé de Radio-Canada a diffusé des extraits du spectacle Miron. Ce dimanche, à 19 h 30, c’est au tour de Jean-Pierre Ferland de saluer les 40 ans de l’album Jaune avec le concert donné cet été aux Francos de Montréal.

Deux beaux dimanches télévisuels.

 

La discothèque idéale # 5

1 septembre 2011

Allain Leprest, Voce a mano (1992)

Le Français Allain Leprest est sans aucun doute le plus digne successeur de Jacques Brel. La même fougue, la même écriture inventive, qui tord parfois le cou à la syntaxe. Le même romantisme bouillant, la fièvre. Sur scène, comme le grand Jacques, c’est un monstre théâtral qui, en quelques gestes, vous dresse des tableaux fantastiques. On ne s’étonnera guère que Leprest soit aussi peintre.

Nougaro et Ferrat l’ont porté aux nues. Francesca Solleville, Enzo Enzo et Romain Didier, pour ne citer qu’eux, l’ont chanté.

Leprest, c’est un quart de siècle à arpenter les planches. Dans les années 80, deux disques ratés, surproduits.

Il a fallu attendre que Pierre Barouh (Saravah) offre à Leprest la chance de se rattraper : produire un album de rêve, qui rendrait hommage à l’instrument cher au parolier-interprète. L’accordéon. Tenu sur « Voce a mano » par le prodigieux Richard Galliano. À la violence des mots de Leprest, répondent les plaintes déchirées, accidentées de l’accordéon.

Dans les chansons de Leprest, on trouve la mythologie d’une certaine France populaire, avec ses bistrots, ses personnages colorés, ses bals, ses écrivains. Ce sont des paysages pluvieux, superbes (Le Cotentin). Une tendresse pour le genre humain, surtout ceux qui souffrent, les mal nantis.

Poète du quotidien? Sans doute. Leprest signe depuis toujours des chansons sociales, qui descendent dans la rue. Le sens de l’observation aiguisé.

Il faut saisir « Voce a mano » en plein vol, son plus bel album, son moment de grâce, avant que le génie ne s’effrite et, hélas, ne s’auto-parodie sur « Donne-moi de mes nouvelles ».

« Voce a mano », des embruns de mer fouettés de vagues d’accordéon.

Ça regorge de trésors.

(billet publié le 8 janvier 2007)