Archive for mars 2012

Retour d’un classique québécois

29 mars 2012

 

Cette réédition du classique de Ferland, Soleil (1971), aurait dû être un événement important tant il s’agit d’un de ses meilleurs albums. Hélas, ça ne sera pas le cas, car les investissements financiers et artistiques n’ont pas été fournis.

En 2005, GSI avait ravi les mélomanes en soulignant avec la grandeur qu’il mérite le trente-cinquième anniversaire de Jaune. Un coffret proposait l’opus en deux CD et un DVD (remixes, relectures, etc.). Une affiche, des photos en format carte postale. Un objet magnifique. Il ne manquait qu’un livret pour raconter le contexte historique.

L’année suivante, nous attendions la suite. Soleil. Un excellent disque, qui doit beaucoup à son co-compositeur et orchestrateur, Paul Baillargeon. Baillargeon dirige également l’orchestre. Avez-vous entendu ces cordes? Elles font partie de la puissance des chansons. Vous rappelez-vous de «Sur la route 11»? Ces martèlements. Percussions de Pierre Béluse, congas de Michel «Toubabou» Séguin.

Finalement, GSI a dû céder les droits à Audiogram. Celle-ci a ressorti Jaune en version simple, sans boîtier.

Voici désormais Soleil qui fait sa réapparition dans les bacs, longtemps après la vieille version de GSI. D’ailleurs, faites gaffe, il reste encore des exemplaires en magasin, on les confond aisément.

À l’heure où on réédite luxueusement beaucoup de classiques de la musique des deux côtés de l’océan, avec des tas de bonus, comment est servi cette fois Soleil? À l’identique! Pas de pistes supplémentaires, pas de remixes et… un simple livret qui reproduit l’original. Le seul argument de vente, c’est que ça a été remastérisé, mais on ne dit même pas par qui!

C’est très décevant. On aurait pu ajouter un texte pour remettre le disque en contexte, mettre un DVD d’archives, un CD de bonus… avec des versions en public. J’ai parlé en 2010 à Paul Baillargeon, ce type est bourré d’énergie et d’envie de raconter, pourquoi ne pas lui avoir demandé un témoignage? Ça aurait été d’une incroyable richesse.

On est très heureux de retrouver cet album fraîchement nettoyé, qui sonne magnifiquement, mais on ne peut s’empêcher d’en vouloir plus.

On suggère à Audiogram de s’investir davantage si jamais elle ressort le très bon et méconnu Les vierges du Québec, du même Ferland (1974).

Rencontre exceptionnelle à Québec

28 mars 2012

Amis montréalais, il va falloir faire quelques heures de route si vous voulez assister au nouveau spectacle d’Albin de la Simone qu’il donne en compagnie du pianiste de musique classique Alexandre Tharaud (Satie, Chopin, etc.). L’unique représentation québécoise aura lieu au Grand Théâtre de Québec mardi 3 avril.

Si on en croit la présentation officielle sur le site de la salle, on ne va pas s’ennuyer:

«L’excellent pianiste français Alexandre Tharaud et le chanteur Albin de la Simone unissent leurs talents pour faire partager leur amour de la chanson française. Se promenant très librement entre grandes œuvres du répertoire classique, chansons incontournables et chansons originales, les deux amis jouent ensemble… au sens littéral.»

On suit Albin de la Simone depuis son premier disque en 2003, sur scène itou c’est un délice. On a voulu en savoir plus sur ce projet spécial. Très occupé par l’enregistrement de son nouvel opus, il nous a quand même envoyé ces quelques mots: «C’est un concert que nous avons déjà donné trois fois, jamais au Québec. Nous sommes tous les deux des amoureux de votre province et on est ravis de venir ensemble cette fois ! On se connaît depuis longtemps tous les deux et sommes toujours ravis de faire ce spectacle ensemble. C’est une « cuisine » autour de la chanson. Alexandre y raconte notamment son amour pour Barbara, Legrand, nous jouons ensemble des chansons que nous aimons, je chante pas mal de mes chansons qu’il revisite au piano avec beaucoup de personnalité… Mais je ne m’aventure pas dans son monde de la musique classique.»

À suivre…

Une certaine chanson en deuil

23 mars 2012

Claude Duneton

Deux décès en peu de semaines pour le monde de la chanson française.

D’abord, la revue Serge a mis la clef sous la porte, après huit numéros seulement. On ne pleurera pas longtemps tant elle était assez conformiste dans ses choix éditoriaux (beaucoup des mêmes têtes qu’on voyait partout), superficielle dans son approche (avec ses rubriques idiotes «Dans le lit de» ou «Dans le frigo de»). Cette disparition rappelle celle, il y a quelques années, de Chorus, la revue dite de référence sur la chanson. Certes, elle couvrait un large panorama. Certes, les entretiens avec des artistes étaient riches. Mais Chorus était également un lieu de copinage, de complaisance, sans fantaisie. À lire leurs «critiques» de disques, on s’endormait ou on voulait tout acheter car tout était, paraît-il, bon…

Que reste-t-il pour couvrir la chanson française? Platine? Avec son approche de la musique digne des magazines à potins? («Christophe, parlez-nous de votre relation avec votre enfant…»)

La plus digne est, encore aujourd’hui, Je chante!, mais hélas elle paraît trop rarement. Faite par des bénévoles passionnés (dont j’étais, soyons francs), elle n’arrive pas à tenir le rythme de l’actualité.

Il reste un média à créer pour la chanson en 2012. Un lieu inspiré par les grands ancêtres d’un certain journalisme joyeux, critique, érudit. Dans l’esprit de Boris Vian. Des colonnes rédigées par des gens qui connaissent à fond leur sujet, du Moyen-Âge à aujourd’hui, des plus obscurs aux plus populaires chanteurs. Des journalistes qui ne craindraient pas de démolir des artistes «cultes» mais souvent ennuyeux (Manset, Murat, Darc, etc.) ni d’encenser les plus populaires quand ils se montrent à une hauteur digne (Marc Lavoine, Isabelle Boulay, Julien Clerc).

Tout ça serait fait avec rigueur mais sans se prendre trop au sérieux soi-même. Allier intelligence, connaissance, vivacité et éclat de rire.

C’est un peu ce que faisait Claude Duneton, qui vient de nous quitter cette semaine, à 77 ans. De quelle maladie? Allez travailler à Platine si vous tenez absolument à le savoir. Disons tout simplement que c’était un vieux monsieur. Mais quel talent on vient de perdre ici! Essayiste hilarant et pertinent («Je suis comme une truie qui doute», réflexion sur l’éducation), écrivain et surtout un immense historien de la chanson. Il a écrit des préfaces remarquables sur des chanteurs comme Renaud, Jacques Serizier, Gilbert Laffaille, ainsi que deux énormes briques d’Histoire de la chanson française.

Un auteur très inspirant pour ceux qui se passionnent vraiment pour la chose chantée, la langue, l’écriture.

Terminons en citant de nouveau la devise de la revue Serge, c’est ce qui nous restera principalement d’elle et qui rappellera monsieur Duneton:

«Là où les chansons se rencontrent»

Pieds nus dans l’aube

21 mars 2012

Projet ambitieux et original, le chanteur Domlebo présentait hier soir à Montréal la première du film Chercher noise, un documentaire sur la création de dix nouvelles chansons.

Les disques ne se vendent plus? La société, éternelle enfant en déficit d’attention, n’est pas capable d’écouter de la musique si on ne lui refile pas de petites images pour aller avec?

Soit. Domlebo va nous donner un vidéo d’une heure et demie  à la place. Ce qui est bizarre, c’est que d’habitude, on fait l’inverse: quand un album est bien établi comme un classique, il a droit à son documentaire.

On pouvait être perplexe par l’idée, mais le film surprend et séduit: la réalisation de Yellowtable est magnifique, la narration de Normand Daneau, sobre et juste. C’est plein d’humour. On entre dans le processus créatif des chansons, ce qui devrait intéresser pas mal de monde, pas juste les amateurs de Domlebo. Ce dernier a invité une trentaine d’artistes à participer. On voit Francis d’Octobre jouer de la guitare, Marie-Marine Lévesque chanter, Jérôme Minière pianoter, Dany Placard, réalisateur attentif des chansons, se gratter la barbe.

Naturellement, on aurait pu couper sans problème une vingtaine de minutes au film qu’il en aurait été plus efficace. Par bouts, ça frôle la complaisance. Aussi, si on souhaite exporter la pellicule en Europe, il faudra des sous-titres tant le jargon de plusieurs musiciens québécois est peu compréhensible (même pour un Vrai de Vrai Québécois Pure Laine)…

S’il faut souhaiter que ce film soit vu tant il est riche en émotions, en rires et en apprentissages, on peut également grandement espérer qu’il aidera à diffuser les chansons, il y en a de superbes (Soigner mes mots; J’ai encore une chanson; etc.). On croyait que Domlebo interpréterait ça les yeux fermés, lourde erreur. Il chante plutôt pieds nus, même en pleine forêt.

****

Le film Chercher noise sera présenté de nouveau le 22 mars à 20 h 30 à la Cinémathèque québécoise à Montréal.

Bande annonce, plus de détails et lien pour télécharger la trame sonore du film (contre un don) sur le site du chanteur.

 

Quand Dominique A voulait changer de cap

13 mars 2012

Pendant que l’actualité en chanson ronronne d’ennui, que les journalistes font semblant de trouver Ariane Moffatt captivante (parfois, en privé, on me dit le contraire de ce que l’on clame à la télé*), continuons notre plongée dans l’œuvre de Dominique A.

L’édition double cd de «Tout sera comme avant» parue cet hiver est intéressante. À la sortie de la version originale, en 2004, le chanteur ne semble pas s’être remis de l’album «L’imprudence» (2002) de Bashung. Il s’en est inspiré, changé la direction de son œuvre, et ça a donné des tartines d’arrangements pompeux, sans le génie de son aîné. Rares sont ceux qui n’ont pas été déçus, voire ennuyés.

À le réécouter aujourd’hui, on ne change guère d’idée… Ce disque demeurera sans doute une curiosité. Mais… le cd 2, contenant les bonus, vaut le coup. On retrouve des chansons de «Tout sera comme avant», mais en version démo, dépouillée. Elles reprennent ainsi de la force, une charge émotive.

On peut aussi y réentendre des morceaux extraits du dvd en public de Dominique A aux Bouffes du Nord, dont l’excellente «Rouges sous la lampe». On trouve aussi la reprise de Caussimon-Ferré, «Mon camarade» dans la version studio tirée d’un disque hommage à Ferré. Dommage que la version en spectacle sur France Inter, datant de la même époque, ne soit pas incluse dans le compact car elle est nettement supérieure (et introuvable**).

Sur cette édition deluxe, l’album d’origine a été remastérisé, la pochette extérieure modifiée (l’originale est reproduite sur le livret qui accompagne).

Du bon travail. Toujours en attendant un nouvel opus à paraître sous peu en France.

* Un jour, il faudra consacrer quelques lignes sur l’hypocrisie de certains journalistes ou simples amateurs de musique qui font semblant d’aimer un truc qui, réellement, les ennuie. En effet, peut-on vraiment dire du mal de certains intouchables sans se faire lyncher? Essayez un peu avec Pierre Lapointe, Daniel Bélanger, Richard Desjardins ou Jean-Louis Murat… Ça leur prendrait du courage et de l’honnêteté. Il est nettement plus facile de taper sur Isabelle Boulay, Marc Lavoine et compagnie. De vilains artistes populaires. Imaginez un peu, avec un large public, pouah!

** Il faudrait aussi écrire un billet ou plus sur les trésors que diffusent les radios et qui ensuite tombent dans l’oubli car ils ne sont pas édités sur disque. Deux exemples? En janvier 2001, Keren Ann avait chanté une magnifique reprise d’Henri Salvador, «Tu fais partie de mon été» sur les ondes de France Inter. Version disparue. Il fallait l’enregistrer chez soi!

Idem pour un spectacle autour de Bernard Dimey que Jehan avait donné à Montréal et capté par Radio-Canada. Probablement le meilleur enregistrement à vie du chanteur. Un époustouflant guitare-voix diffusé à la radio, jamais sur disque.

La discothèque idéale # 15

4 mars 2012

Anne Sylvestre, Au théâtre de la Potinière (1995)

Il existe des chansons qui vous clouent sur place. Sidéré par leur perfection, l’alliage éblouissant entre paroles, musique, voix et interprétation. On les adopte illico, pour toujours.

Un peu à la manière de Jacques Brel, la grande Anne Sylvestre a pris encore plus d’ampleur lorsqu’elle a cessé de jouer de la guitare sur scène, comme libérée. Pour ce récital piano/voix au théâtre de la Potinière, elle laisse l’excellent Philippe Davenot s’occuper de l’instrument.

En 1995, Sylvestre a plus de trois décennies de métier, qu’elle résume ici adéquatement. Des chansons parmi les plus belles de son répertoire (La femme du vent; Carcasse; Écrire pour ne pas mourir) ou de toute la francophonie (Les gens qui doutent; Il s’appelait Richard; Si mon âme en partant; Lazare et Cécile). Des chansons vraiment hilarantes et pleines de finesse (La centième nuit; Ça va m’faire drôle; Les Impedimenta).

La Française reprend aussi Félix Leclerc (Présence), Roger Riffard (La margelle) et Brassens (Les passantes).

De l’humour à la tendresse, de la critique sociale aux larmes, Anne Sylvestre obtient avec ce double cd en spectacle une note parfaite. Elle n’a jamais et ne pourra jamais faire mieux.

(billet publié le 17 avril 2008)

Dominique A réédité: survol

1 mars 2012

Nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir en détail, mais soulignons dès maintenant la parution en nos terres québécoises des rééditions des albums originaux de Dominique A. Sur les huit opus parus récemment en France, six sortent chez nous. Ont été écartés: «L’horizon» (déjà paru ici sur l’étiquette La Tribu) et le dernier disque studio, «La musique – La matière».

Les huit albums sont réédités en format deluxe 2 cd. Des quantités de bonus ont été ajoutés: raretés, inédits, etc. Et avec un artiste de cette ampleur, les ajouts sont souvent dignes d’intérêt.

Par contre, avec une œuvre aussi colossale et complexe, il ne faudrait pas chercher la totalité des morceaux rares. Ces rééditions en compilent beaucoup, mais ne reprennent pas tout. Par exemple, on trouvera seulement des extraits de la cassette «Une femme chante sur le quai» ou du coffret «Les sons cardinaux».

Certaines raretés avaient déjà été publiées dans le long format triple cd, «Le détour».

Les livrets reprennent vraisemblablement ceux d’origine, avec mention de la provenance des bonus. Pas de textes explicatifs de Dominique A ou de présentation des albums. Pour ça, il vaut mieux se référer aux entretiens parus dans la presse, notamment l’important dans Next.

À l’origine, c’est le premier disque de Dominique A, «La fossette», qui devait bénéficier d’une réédition pour souligner ses 20 ans. Mais dans la foulée, on a droit à tout, ce qui est encore mieux! Le chanteur se disait d’ailleurs très heureux que son répertoire soit de nouveau disponible dans les bacs, et se comptait chanceux. C’est devenu un privilège, paraît-il, de voir ses disques en magasin. Jadis, ça aurait été juste normal, mais en temps de crise, tout le monde galère.

Plusieurs des opus ont été remastérisés. Les pochettes cartonnées, on l’a dit, reproduisent celles d’origine (sauf «Tout sera comme avant»), avec le livret et un deuxième compact pour le matériel ajouté.

De la belle ouvrage qui nous permettra de remonter aux origines de cet artiste d’exception. Et qui publiera un nouvel album de chansons originales sous peu.

2012 sera Dominique A ou ne sera pas.

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Autre billet consacré à ces rééditions.

Le site de Dominique A.