On le convoitait depuis longtemps, il est arrivé : le quatrième album original de Tire le coyote, deux ans après l’admirable «Panorama». Sur «Désherbage», l’auteur-compositeur-interprète québécois s’éloigne parfois de son folk pour explorer discrètement la pop ambiante, avec des accents occasionnellement progressifs.
Il est difficile de parler de Tire le coyote sans évoquer Neil Young, alias le Loner (le solitaire). Benoît Pinette ne chantait-il pas lui-même dans Aux abords du fleuve : «Au monde entier, j’fais mes adieux/J’ai l’âme d’un Loner»… Le Québécois a clairement beaucoup écouté son aîné canadien, ça s’entend. Et puis quelques jours à peine avant l’entrevue, Young sort justement lui aussi un nouveau disque admirablement acoustique («Hitchhiker» ; des enregistrements de 1976), que Pinette s’est empressé d’écouter et de commander en vinyle : «C’est vraiment bon! Ça fait du bien de le retrouver comme ça! En plus, ce sont ses meilleures années en terme de performance scénique.» Fidélité et passion.
De Neil Young, Tire le coyote semble également s’inspirer pour son parcours musical, puisqu’il cherche lui aussi à s’éloigner des guitares sèches du folk, un style qu’ils maîtrisent tous deux merveilleusement : «Pour le nouvel album, j’avais envie d’aller aux antipodes, aux extrêmes. Panorama avait des racines américaines folks. Cette fois, je voulais délaisser un peu le côté country. L’effet de la guitare électrique est très conscient. Je pense davantage à la scène que je ne le faisais avant. Quand on joue sur scène, c’est l’fun d’avoir des moments intimistes mais aussi d’autres où ça déménage un peu. Pour le nouvel album, il y a l’apport de Vincent Gagnon aux claviers. Ça devient plus électrique mais aussi plus ambiant, avec des sons perdus dans l’écho, plus planant. C’est quelque chose que je voulais. Par exemple, le dernier disque de Sufjan Stevens a des moments ambiants qui sont hallucinants.» Pinette a aussi fait appel à Simon Pedneault, guitariste de Louis-Jean Cormier et Patrice Michaud.
Les chansons de «Désherbage» ont été écrites de manière intensive à l‘automne, puis enregistrées en avril 2017 : «J’arrive en studio avec des chansons déjà construites, mais c’est en gang qu’on décide où on va les mener. Pour les deux précédents disques, c’était moi qui m’étais chargé de la réalisation : je dirigeais davantage, en sachant ce que je voulais. Cette fois-ci, je me suis fait un devoir de me restreindre et de laisser les gars aller», dit-il de ses musiciens et de ses co-réalisateurs Gagnon et Pedneault. «Je voulais qu’ils m’emmènent ailleurs, qu’ils poussent la chose un peu plus loin. Honnêtement, ça a été difficile de les laisser faire, mais en même temps, je ne me suis pas complètement effacé!», admet-il en riant. Pinette s’est justement effacé sur le projet des Cowboys Fringants, «Nos forêts chantées», livrant sa chanson guitare-voix et en ne participant pas du tout aux arrangements qu’on a par la suite collés dessus. Alors que pour sa reprise radiophonique et francisée de la chanteuse pop américaine Lana Del Ray, c’était une commande aussi mais c’était son choix d’artiste, de chanson et d’arrangements. Il a tellement aimé le résultat qu’il l’a incluse sur le nouveau disque.
Tire le coyote est une âme solitaire qui s’entoure de gens créatifs, mais qui pourrait bien nous surprendre avec un projet solo et intimiste, un jour ou l’autre.
Francis Hébert
(pour L’entracte de novembre 2017)