Vous le savez peut-être, j’adore les rééditions. Quand on déterre des trésors musicaux, ça permet la transmission. Le patrimoine s’enrichit.
Or, il faut que ce soit fait avec beaucoup de doigté, de méticulosité. Deux parutions d’Audiogram méritent qu’on s’y arrête. On se serait attendu à mieux de la part d’une maison de disques généralement de haute tenue. Lorsqu’elle a repris une partie du catalogue de Jean-Pierre Ferland, elle a publié une nouvelle édition (étiquetée «remastérisée») du classique «Jaune». C’est celle-ci qui circule partout désormais, comme l’édition de base. Par contre, ce qu’on ne mentionne pas, c’est qu’il s’agit en fait de la version remixée d’abord parue en 2005 dans le coffret anniversaire chez GSI Musique (lire ma critique de l’époque ici). On pense s’acheter le disque original, mais c’est un remix, avec un passage où Ferland refait sa propre voix… Dans le coffret de 2005, au moins, on proposait les deux versions. Il faudrait donc idéalement dénicher ce joli boîtier jaune ou la première édition cd qui, elle, ne sera pas remastérisée ni remixée… Car si remastériser nettoie le son, le rend plus net (ce qui est bénéfique), le remix modifie l’œuvre, changeant l’expérience d’écoute en donnant plus ou moins d’espace à tel ou tel instrument, à la voix, etc. Ça peut être intéressant comme un bonus, mais pas pour remplacer – comme c’était hélas le cas aussi dans l’intégrale Beau Dommage, pourtant une référence en la matière.
Second exemple, le coffret triple cd de Claude Léveillée qu’Audiogram vient de mettre sur le marché : «Mes années 60, 70, 80». Au verso, on précise bien qu’il s’agit d’une réédition des albums parus entre 1993 et 1996 (jadis vendus séparément). Mais ce qu’on ne dit pas sur la pochette et qui pourrait en berner plusieurs, c’est que ce sont des réenregistrements que l’artiste a effectués au début des années 90. En fait, c’est plus complexe, car la galette «Mes années 70» semble plutôt contenir les morceaux dans les versions originales, avec des orchestrations entre autres de Gérard Manset ou Paul Baillargeon. Et précisons que sur ces réenregistrements, Léveillée ne chante plus vraiment, qu’il récite plutôt. De plus, le Québécois y va dans des sons synthétiques, des claviers. Mentionnons aussi que ce boîtier contient bien un livret avec les paroles, mais pas de texte de présentation. Que ceux qui voudraient retrouver ses classiques des années 60 dans leurs habits d’origine aillent plutôt du côté du double cd de la collection «Émergence».
Qu’on publie des réenregistrements est une chose, mais qu’on ne le mentionne pas clairement sur la pochette en est une autre… Claude Léveillée mériterait un tout autre traitement. Ce qu’il a fait dans les années 70 est excitant et aventurier. Les amateurs de chanson française audacieuse pourraient être très surpris. On a un échantillon dans «Mes années 70», mais on en voudrait davantage. En France, ils ont des collections «4 albums originaux» ou les «essentiels» qui réunissent les plus importants disques originaux d’un chanteur. Il serait temps qu’on importe l’idée. Ils sont peu coûteux et rassemblent des œuvres dans leur forme d’origine avec la reproduction de la pochette.
Est-ce la petitesse du marché québécois qui fait que plusieurs de nos plus grands artistes n’ont pas encore eu droit à leur intégrale cd? La totale de Jim & Bertrand (quatre microsillons!) ou de Plume Latraverse, ça ne serait pas chouette?