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Fiori, vu de l’intérieur

27 avril 2013

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(Sur ce blogue, nous partons du principe que ce que Serge Fiori a offert de mieux à l’histoire musicale, ce sont les trois disques originaux d’Harmonium ainsi que celui de Fiori-Séguin. C’est là l’essentiel – le chanteur et musicien. Nous préférons vous en avertir.)

Depuis longtemps, écrivains et journalistes ont voulu écrire un ouvrage sur Serge Fiori. Celui-ci a toujours refusé. Il traîne depuis une éternité une méfiance envers les médias. Cette fois-ci, c’est la bonne : le meneur d’Harmonium a décidé de se confier et a choisi pour le faire son ancienne amoureuse et amie, Louise Thériault.

Son ouvrage nous présente le chanteur d’un point de vue intérieur et, forcément, biaisé. Toutes les personnes interrogées par la biographe font partie du cercle intime ou de ses adorateurs. Fiori se plaint du culte qu’on lui voue depuis 35 ans, mais ce n’est pas cet ouvrage qui va améliorer son sort de pauvre gourou adulé.

Il y a en effet un malaise à la lecture de ce livre : Fiori est présenté, par l’auteure comme par les intervenants, comme un génie qui va chercher ses créations dans le tréfonds de son âme, en les ressassant comme des mantras… Certains passages s’enfoncent dans l’ésotérisme, ça en devient délirant.

Pas surprenant que ça paraisse chez un éditeur de pop-psychologie, de manuel sur le yoga… Thériault se présente d’ailleurs comme une thérapeute, qui a 20 ans d’expérience en «conseling, en formation et en coaching de gestion»… Ah bon ? Son écriture est parfois malhabile, imprécise, plus émotive que factuelle.  Quelquefois, on ne sait plus en quelle année l’action se déroule, les choses ne sont pas nommées clairement. On aurait voulu des dates, des faits, un index des noms cités. Pour mémoire, on citera trois erreurs faciles qu’une simple vérification de base aurait évitées : le musicien John Martyn (avec un i dans Martin), le spectacle 1 fois 5 en 1976 (et non en 1975) et la chanson de Michel Rivard Le vent du fleuve se retrouve sur le quatrième disque de Beau Dommage, pas sur le Rivard solo. Cette dernière erreur se retrouvait également dans le livret de l’anthologie de Richard Séguin, Thériault l’a sans doute juste reproduite.

Et c’est une partie du problème. On ne sent pas chez la biographe une réelle connaissance de la musique. Ça donne à croire qu’elle s’est simplement contentée de recopier fidèlement les propos de Fiori et de ceux qu’elle a interrogés, mais sans aucune perspective critique.

Le premier livre paru sur le groupe, écrit par leur ancien gérant Yves Ladouceur, avait été renié par les membres d’Harmonium, mais on tombe ici dans un piège similaire : on ne se fie qu’à une seule vision des choses, on ne va pas chercher plus loin.

Ceci dit, la bio représente néanmoins un certain intérêt, celui de nous présenter de l’intérieur un musicien formidable, d’en apprendre plus sur les raisons réelles qui l’ont poussé à se retirer, ses problèmes psychiques et physiques, ses déséquilibres, ses combats contre lui-même. On explique pourquoi Michel Normandeau a été écarté du groupe en plein enregistrement de L’heptade (il paraîtrait qu’il n’était pas à la hauteur, musicalement). Mais on ne dit pas ce qu’est devenu Normandeau, ses disques personnels, son parcours après 1976… Lui qui a quand même co-écrit certaines chansons du groupe, qui en faisait partie dès l’origine. Il est traité un peu à la légère. Les paroles de Pour un instant, c’est lui. Les magnifiques Vieilles courroies, Depuis l’automne et Le corridor, il en co-signe le texte… Est-ce qu’on pourrait lui rendre justice ?

Tout est centré sur Fiori, c’est lui le génie. On survole son travail de compositeur de bandes originales, de pubs, les génériques. Mais ce qui reste l’essentiel et aurait dû être le cœur de l’ouvrage (les années 70, en arts, en politique, en changements de société) ne représente qu’environ 25 % sur près de 400 pages… Par contre, on ne nous épargne pas les détails de sa vie amoureuse…

On souhaite que ce livre sera le point de départ à un essai sérieux, celui qu’espèrent les mélomanes et historiens. L’œuvre musicale de Fiori le mérite. Elle devrait se poursuivre cet automne avec un nouvel album de chansons originales (le premier depuis 1986) signé avec l’étiquette québécoise GSI.

Cette biographie connaîtra sans doute un grand succès et pourrait être le propulseur de futures parutions hautement attendues : l’histoire du groupe en DVD, une intégrale remasterisée avec bonus. Méditons là-dessus.

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Louise Thériault, Serge Fiori: S’enlever du chemin, éditions du CRAM, 2013, 388 pages.

Attention, fragile

2 avril 2013

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Laissons refroidir encore un peu les nouvelles galettes de Murat, Higelin, Bruni et Méliès qui nous arrivent en bloc pour prendre le temps de saluer Amélie-les-crayons dont la dernière parution est un plaisir gourmet, avec des chansons fines, fragiles et poétiques. Sur le fil de la sensibilité. Une chanson française teintée de piano et de rythmes légèrement arabisants, cette petite voix douce qui rappelle nos chères Émilie Simon et Stéphanie Lapointe.

«Jusqu’à la mer» est le troisième opus original d’Amélie-les-crayons depuis 2002. Pour être franc, c’est le premier qu’on remarque, pris dans les avalanches de disques francophones qui s’empilent partout dans les locaux des journaux et les appartements de journalistes. À peine se souvient-on d’avoir aimé sa reprise de Arrose les fleurs sur un album  hommage à Leprest. Pourtant, elle était meilleure que l’originale.

Et puis un jour, on reçoit ce cd par la poste. La beauté de l’objet (une boîte en carton, avec des cartes postales dessinées à l’intérieur). Fraîcheur. Amélie-les-crayons, comme une petite sœur de Clarika. Interprètes parfois sautillantes, souvent émouvantes.

Une fragilité qui nous donnera envie de revenir vers ces chansons aux airs d’Amélie Poulain, au charme désuet et subtil.

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Amélie-les-crayons, Jusqu’à la mer (L’Autre Distribution)