Le dernier Daran remonte déjà à 2007 avec «Le petit peuple du bitume», un album magnifique de rock fiévreux, planant comme un vieux Pink Floyd, sombre et tranchant. Un disque difficile d’accès, mais capiteux.
Depuis, Daran a offert une compil qui accompagnait la bédé «Couvert de poussière» de Michel Alzéal, un stupéfiant projet poignant (le bédéiste reprenait des extraits des paroles de chansons du chanteur pour créer une histoire originale). Sans oublier une bande originale de film qu’on n’a pas vu passer de ce côté-ci de l’Atlantique.
Pour son septième opus de chansons nouvelles, le Français a décidé de les enregistrer au Québec, sa nouvelle terre d’adoption, avec trois musiciens du crû. C’est rock, ça frappe fort, c’est presque toujours réussi, à part les agaçantes «La machine» et «Une caresse une claque». Un très bon opus, à ranger parmi ses meilleurs.
Il porte un joli titre : «L’homme dont les bras sont des branches» (abrégé en HDBB). Il sort en format normal, une pochette cartonnée (ou un «digipack» si vous préférez causer frenchy) avec un livret dessiné plutôt copieux.
Il existe aussi une version dite deluxe qui prend parfois des allures de journal de la création d’un disque. Un beau livre de 72 pages avec des photographies à Montréal, en tournée ainsi que des témoignages d’Éric Goulet, Pierre-Yves Lebert, Moran ou Yann Perreau qui nous parlent de Daran. Le CD est optionnel : on le glisse à l’intérieur du bouquin. Comme l’édition de luxe ne contient pas les paroles des chansons ni les dessins du livret, il vaut mieux se procurer l’album en format cartonné et acheter le livre séparément, sans CD. On pourra par contre regretter le nombre de fautes d’orthographe au fil des pages du livre.
Plutôt que d’aller une troisième fois à la rencontre du sympathique chanteur, on a préféré lui envoyer des questions par courriel.
Q : Ton départ de la France correspond-t-il avec une certaine routine, un confort qui s’étaient installés? Envie de rajeunir de 25 ans en recommençant à Montréal? Et pourquoi le Québec plutôt qu’un autre pays (le Canada par exemple)?
R : J’ai toujours pensé qu’en tant qu’artiste, mon plus grand ennemi était l’habitude, la routine, voire l’expérience. J’acquiers de l’expérience malgré moi mais j’essaye de l’utiliser avec précaution. Si je ne m’appuyais que sur elle, j’aurais peur de tuer mon regard d’enfant si nécessaire à la créativité. J’ai donc décidé de provoquer du mouvement, de la mise en danger.
Et pour que cette redistribution des cartes ne doive pas tout au hasard, le Québec avec qui je partage tellement de choses depuis si longtemps m’est apparu comme une destination évidente.
C’est une idée que je mûris depuis très longtemps.
Récemment, un certain nombre de conditions ajoutées à ma lassitude vis-à-vis d’une certaine forme de morosité ambiante qui règne en Europe ont rendu la chose possible. J’ai franchi le pas aussi pour ne surtout pas me retrouver à vivre avec le regret de ne pas avoir eu le courage de le faire. :o)
Q : Comment as-tu choisi tes nouveaux musiciens et ton studio d’enregistrement?
R : En arrivant au Québec, je me suis attelé à monter un nouveau band. Pour cela, j’ai parcouru beaucoup d’endroits où ça jouait, histoire de respirer un peu le renouveau musical montréalais.
C’est lors d’un cinq à sept que j’ai croisé la route d’André Papanicolaou (guitariste). En allant le revoir jouer au Vert bouteille (où il accompagnait Éric Goulet, un vieux copain), j’ai fait la connaissance de Marc Chartrain, le batteur.
Quand on s’est mis d’accord pour jouer ensemble, il ne nous manquait plus qu’un bassiste, et c’est tout naturellement que Marc a proposé son frère Guillaume pour le poste.
Q : Tes chansons ont été composées en France, mais elles ont été créées sur les scènes du Québec. Comment ont-elles évolué jusqu’à leur version finale du disque? Liberté totale à tes musiciens de les triturer?
R : Quand j’ai vu la qualité des musiciens qui m’entouraient, j’ai en quelque sorte «désarrangé» mes démos qui étaient assez évoluées pour remettre tout sous forme de guitare / voix. C’est ce matériel qui nous a servi de base pour fabriquer les arrangements en laissant une grande place à leurs idées et à leurs textures sonores. Les morceaux sont partis sur scène pour une quarantaine de concerts avant d’être enregistrés. Ils y ont acquis cette patine que seul le live peut apporter.
J’ai choisi (pour répondre à la fin de la question précédente) le studio Masterkut parce qu’il permet d’enregistrer un band au complet dans la même pièce un peu dans les conditions du live, justement. En plus, c’est un endroit chaleureux où l’on se sent rapidement comme à la maison!
Q : Ne sort-on pas un peu du climat très sombre du disque «Le petit peuple du bitume»? Besoin d’air?
R : Je dirais qu’il y a quand même beaucoup de climats qui pourraient avoir une filiation directe avec «Le petit peuple du bitume», mais le retour à un format plus «chanson» amène probablement un peu plus d’air à l’ensemble.
Q : On retrouve encore une fois, parmi les paroliers, Miossec et surtout Pierre-Yves Lebert. Par contre, à ma connaissance, c’est la première fois que tu fais appel au chanteur et auteur Jérôme Attal? Comment l’as-tu rencontré? Pourquoi lui?
R : C’est quelqu’un que je connais depuis longtemps. J’ai déjà travaillé avec lui par le passé, mais sur d’autres projets. C’est effectivement la première fois qu’il oeuvre sur un de mes albums. J’ai simplement accroché sur le texte de «Kennedy» et quand je l’ai vu passer, je me le suis mis de côté! :o)
Q : Pour ton prochain album, envisages-tu d’écrire des chansons avec des auteurs québécois? As-tu des noms en tête?
R : Je n’ai absolument aucun plan de vol pour un prochain album. Je vais laisser la vie m’apporter son lot de surprises…
Q : Tu avais fait quelques spectacles en compagnie du bédéiste Michel Alzéal. Au Québec, mais aussi en France, non? Est-ce une expérience que tu aimerais
reprendre? Peut-être avec un dessinateur québécois cette fois?
R : Des concerts dessinés qui ont laissé de beaux souvenirs puisqu’il arrive qu’on m’en redemande encore aujourd’hui. C’était très agréable à faire et je ne suis pas opposé à renouveler l’expérience mais, pour les prochains mois, je vais d’abord accomplir tout le travail que m’amène mon nouvel album et les tournées qui arrivent avec les boys!
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Daran, L’homme dont les bras sont des branches
http://www.daran.ca