Gilbert Laffaille, Tout m’étonne (1996)
D’ordinaire, les mélomanes ne jurent que par les versions originales et regardent les reprises avec un peu de dédain. Pourtant, quand on réenregistre avec autant de talent et de doigté que Gilbert Laffaille avec Tout m’étonne, il faut s’incliner. On a affaire ici à une somme prodigieuse grâce, entre autres, aux arrangements sobres et incisifs du guitariste Michel Haumont.
L’auteur-compositeur français résume ici deux décennies de chansons singulières qui ont débuté avec Le président et l’éléphant, une satire du chef d’état de la France à l’époque, Valéry Giscard D’Estaing, et de son penchant pour la chasse. Ce titre connut un certain retentissement et on pouvait admirer le travail d’auteur: on se met dans la peau de l’éléphant, c’est lui qui cause. Texte féroce, drôle, fable admirable.
Laffaille manie l’art satirique en attaquant notamment les médias avec le désopilant Corso fleuri. Avec Neuilly blues, il se paie la tête d’artistes qui s’inventent un passé prolétaire… Le chanteur s’en prend également, toujours avec finesse ou humour, au racisme (Dents d’ivoire et peau d’ébène; Le gros chat du marché).
On retrouve aussi dans ce recueil de splendides chansons contemplatives (Tout m’étonne; Neige). Sans oublier le regard qu’il porte sur les choses de ce monde avec une sensibilité à fleur de peau (Deux minutes fugitives).
On passera rapidement sur deux morceaux «humoristiques» mais qui ne cadrent vraiment pas avec l’ensemble (C.Q.F.D; Les bigoudis par douze). Tout le reste est délectable, dont la chanson Sac à dos pataugas, voyageuse qui convie Kerouac et Rimbaud, et qui est belle comme une bohémienne à qui on s’attacherait et qu’on voudrait retenir le plus longtemps possible.
De Gilbert Laffaille, on aurait pu choisir pour cette discothèque idéale son dernier disque original, La tête ailleurs, qui date déjà de 1999 (et toujours avec Michel Haumont aux arrangements, ça ne trompe pas). En attendant la suite promise pour bientôt. C’est l’espoir qui resurgit.
(billet inédit; 30 août 2012)