Archive for novembre 2017

Avec des vieux mots

12 novembre 2017

recto2017

Physiquement, Benoît LeBlanc ressemble à Gérard Pierron, ce qui n’est pas pour nous déplaire tant nous avons le troubadour français tatoué au cœur depuis si longtemps. Sa famille artistique semble pencher vers les Richard Desjardins, Julos Beaucarne ou Félix Leclerc, des bardes de la puissante tradition de la chanson poétique

En écoutant l’art de LeBlanc, on songe aux vieux mots de Vigneault, aux chansons qui grattent la gorge de Michel Garneau (dont on attend toujours une réédition cd de son vieux microsillon)… Benoît, lui, poursuit le travail, il le perpétue patiemment, à contre-courant d’une époque pressée.

Il prend son temps pour enregistrer ses opus, seulement quatre depuis 1995. Le cinquième vient de paraître, titré comme on tend la main : «Le pain, le pays, la paix». Il demande de se laisser apprivoiser. 21 titres, près de 70 minutes. On nous y convie par un bel objet cartonné, avec en couverture ce qui pourrait être une guitare percée d’un soleil.

À l’instar de Marc Robine, LeBlanc joue du dulcimer et colporte de vieux chants. Le Montréalais chante même du Rutebeuf. On croise trouvère, griot et ribauds. Le bon maître François (Villon) doit cheminer dans les parages.

On le perçoit, la cartographie chansonnière et poétique de LeBlanc appartient aux siècles passés. On appréciait ce décalage chez Brassens, et c’est la même histoire ici. On laisse notre cœur battre la chamade devant ces airs aux couleurs anciennes.

L’album aurait pu être resserré un peu, expurgé des poèmes dits et des morceaux «humoristiques» ou contestataires. Mais sinon, chacun peut y faire son marché et reviendra avec une musette gorgée de belles chansons à transmettre de génération en génération, comme ces sommets Pour ne rien perdre de l’été, accompagnée d’une vielle à roue, et L’orphelin, avec orgue et accordéon.

Pierre Mac Orlan aurait lui aussi apprécié la finesse de Benoît LeBlanc.

Site officiel

Et pour écouter des extraits, son Bandcamp

En version originale

2 novembre 2017

recto

Il est parfois indispensable de remettre en contexte une oeuvre pour la comprendre, pour mieux l’apprécier. Et dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’écouter les albums originaux, et non pas des compils. Prendre un disque comme un ensemble uni par le temps, les arrangements, le grain de voix, une recherche musicale et artistique.

C’est ce que l’on peut constater encore une fois avec Jofroi qui continue son méticuleux et apprécié travail de réédition avec le cd «J’ai le moral», paru en vinyle en 1983. Les morceaux étaient déjà disponibles en cd sur les compilations «Survol», mais ils détonnaient un peu, ils ne collaient pas tout à fait au format des chansons qui les entouraient.

Alors qu’avec cette belle réédition originale, ça reprend du lustre. On doit les arrangements à François Rauber (pianiste et arrangeur pour Jacques Brel) et Arnould Massart. On quitte les rives du folk acoustique pour se lover dans les climats au piano, avec instruments à cordes et vent.

Pour les plus grandes réussites, citons Nuit blanche; Le vieux monde; Hiver et Capitaine au long cours.

Le dessin de la pochette est de Philippe Geluck.

La suite pour Jofroi, c’est de rééditer en cd trois autres microsillons: «Mario, si tu passes la mer» (1979), «La Marie-Tzigane» (1981) et ce qui est peut-être sa plus belle réussite en 45 ans de carrière, «L’odeur de la terre» (1978).

Et bien sûr, nous n’oublions pas que Jofroi continue de se produire sur scène régulièrement et qu’il sait encore manier la plume pour écrire de nouvelles bonnes chansons. «Cabiac sur terre» date déjà de 2011, on espère du frais bientôt.

P.-S. Pour consulter mes autres billets sur Jofroi, vous n’avez qu’à cliquer sur son nom dans les «étiquettes» à la fin de ce texte.

jofroi