Physiquement, Benoît LeBlanc ressemble à Gérard Pierron, ce qui n’est pas pour nous déplaire tant nous avons le troubadour français tatoué au cœur depuis si longtemps. Sa famille artistique semble pencher vers les Richard Desjardins, Julos Beaucarne ou Félix Leclerc, des bardes de la puissante tradition de la chanson poétique
En écoutant l’art de LeBlanc, on songe aux vieux mots de Vigneault, aux chansons qui grattent la gorge de Michel Garneau (dont on attend toujours une réédition cd de son vieux microsillon)… Benoît, lui, poursuit le travail, il le perpétue patiemment, à contre-courant d’une époque pressée.
Il prend son temps pour enregistrer ses opus, seulement quatre depuis 1995. Le cinquième vient de paraître, titré comme on tend la main : «Le pain, le pays, la paix». Il demande de se laisser apprivoiser. 21 titres, près de 70 minutes. On nous y convie par un bel objet cartonné, avec en couverture ce qui pourrait être une guitare percée d’un soleil.
À l’instar de Marc Robine, LeBlanc joue du dulcimer et colporte de vieux chants. Le Montréalais chante même du Rutebeuf. On croise trouvère, griot et ribauds. Le bon maître François (Villon) doit cheminer dans les parages.
On le perçoit, la cartographie chansonnière et poétique de LeBlanc appartient aux siècles passés. On appréciait ce décalage chez Brassens, et c’est la même histoire ici. On laisse notre cœur battre la chamade devant ces airs aux couleurs anciennes.
L’album aurait pu être resserré un peu, expurgé des poèmes dits et des morceaux «humoristiques» ou contestataires. Mais sinon, chacun peut y faire son marché et reviendra avec une musette gorgée de belles chansons à transmettre de génération en génération, comme ces sommets Pour ne rien perdre de l’été, accompagnée d’une vielle à roue, et L’orphelin, avec orgue et accordéon.
Pierre Mac Orlan aurait lui aussi apprécié la finesse de Benoît LeBlanc.
Et pour écouter des extraits, son Bandcamp