Archive for mars 2014

Gaston Miron «symphonisé»

30 mars 2014

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Pour la troisième fois, on retrouve les poèmes de Gaston Miron chantés par la bande des 12 hommes rapaillés. Les deux premiers cd connurent un étonnant mais mérité succès critique et public. On espérait depuis une suite, pour clore l’aventure d’aussi belle manière.

Il aura fallu attendre quatre ans, histoire de rameuter de nouveau ces chanteurs hétéroclites mais unis par l’amour de l’œuvre «mironienne», dont Chloé Sainte-Marie fut la première interprète populaire. D’ailleurs, quelques chansons des volumes 1 et 2 avaient été créées (sur les mêmes mélodies) par l’actrice-chanteuse. Qu’elle en soit remerciée.

On retrouve donc autour du compositeur de toutes les musiques Gilles Bélanger, les Louis-Jean Cormier, Yann Perreau, Michel Rivard, Vincent Vallières, Jim Corcoran, Martin Léon, Daniel Lavoie, Richard Séguin, Pierre Flynn, Michel Faubert et Yves Lambert.

La nouveauté de ce troisième opus s’annonce dans son titre : «La symphonie rapaillée». Plutôt que d’enregistrer de nouveaux poèmes, on a choisi d’en reprendre une douzaine des deux premiers tomes et de les habiller avec de superbes arrangements symphoniques signés Blair Thomson (à qui l’on devait déjà un Michel Rivard symphonique en 2006). Ce n’est jamais pompeux, toujours au plus près des mots du poète. Les chanteurs sont à l’avenant : vibrants d’humanisme. Thomson dirige également l’orchestre de 24 musiciens. Et le résultat est remarquable, régulièrement plus puissant encore que les versions d’origine. Saluons également la réalisation et la direction artistique qui ont été confiées à Thomson, Louis-Jean Cormier et Martin Léon.

On pourrait tout citer tellement l’opus est riche. Même La corneille, exaspérante sur le tome 2, devient une création originale, inventive, dans une interprétation heureusement beaucoup plus sobre. Même si on aurait préféré entendre une vraie version (oublions celle cacophonique de l’intro) de Je t’écris pour te dire que je t’aime. Bien sûr, on peut regretter qu’il n’y ait pas de chansons inédites, mais peut-être que Gilles Bélanger s’en occupera seul, un jour ? Il en a le talent. Espérons-le : l’œuvre de Miron est bonne à y puiser encore au moins le temps d’un opus supplémentaire fait de matériel nouveau.

Pour le moment, l’aventure des hommes rapaillés sera transposée sur scène à la Maison symphonique de Montréal avec l’orchestre du même nom. Gageons que le mot ferveur sera approprié pour la décrire.

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12 hommes rapaillés, La symphonie rapaillée (Spectra)

Le cd sort le mardi premier avril mais on peut en attendant l’écouter intégralement sur le site d’Espace Musique.

En spectacle les 7 et 8 mai 2014 à la Maison symphonique de Montréal

Coeur de vinyle?

28 mars 2014

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Depuis quelques années, les médias nous parlent du retour en force du vinyle, ces galettes souvent noires, d’un autre âge. Michel Rivard a même fait une jolie chanson sur son dernier album: Coeur de vinyle.

Les mélomanes soulignent la qualité du son, l’expérience d’une grande pochette. Mais encore faut-il avoir un bon appareil pour les lire, sinon ça ne sert à rien. Et faire gaffe à l’usure des sillons, de l’aiguille…

Cette nouvelle mode me laisse quand même perplexe. D’abord, le format, très peu pratique, ça prend beaucoup d’espace chez soi, c’est lourd, ça se manie mal. Ensuite, si on les achète à l’état neuf, c’est plus cher que les compacts. De mémoire, une réédition normale (pas deluxe!) de Joao Gilberto voisine les 30 $, soit le double du prix d’un cd…

Mais pour ma part, le plus gros problème du vinyle, c’est qu’il ne permet pas de sauter des chansons. Il existe très peu d’albums que j’aime intégralement. Presque toujours, au moins deux ou trois morceaux m’énervent ou m’ennuient, et ce, même  chez mes artistes préférés. Avec des cd ou mp3, on peut éviter cette souffrance du titre honni, mais avec un tourne-disques? Peut-être que cette technologie* existe sur les platines vinyles, mais je n’en ai jamais vu…

J’achète encore des vinyles, mais uniquement quand ce n’est pas réédité en compact / mp3. Les seules exceptions, c’est quand les pochettes sont vraiment belles, qu’elles apportent quelque chose de plus. Je me suis ainsi procuré «Confidentiel» de Gainsbourg, «Chansons pour ma mélancolie» de Mouloudji (quasiment une oeuvre d’art, cet emballage! et quelles chansons!). Et quand je suis allé voir Philippe B en spectacle avec le Quatuor Molinari, je n’ai pas pu m’empêcher, même si j’avais déjà le cd (comme pour Gainsbourg) d’acheter le 33 tours de «Variations fantômes», sublime de fond et de forme. Les 14 photos originales, qui font écho aux morceaux, sont reproduites en grand format, plutôt qu’en petit comme sur le compact. Elles avaient même été brièvement exposées en salle à Montréal. Cliquez pour agrandir l’image ci-dessous, vous verrez…

Philippe B est le plus novateur, créatif et excitant chanteur québécois des dix dernières années, voire plus. Les journalistes l’encensent, les artistes itou. Il ne reste que le grand public qui se fait attendre. Espérons que ça viendra enfin avec la parution de son nouvel opus, le mois prochain. D’après une première écoute sommaire, «Ornithologie, la nuit» tutoiera les cimes, lui aussi.

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* Après la parution de ce billet, un lecteur, René Troin du  blogue Crapauds et rossignols, me signale l’existence d’une platine progammable

Un vendredi soir sur la terre

15 mars 2014

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C’était l’hiver, vendredi soir, pour la première montréalaise de Francis Cabrel. On pataugeait dans la neige, encore et encore. Heureusement, la salle Pierre-Mercure est accueillante et la qualité sonore, parfaite. Probablement un des meilleurs endroits en ville pour écouter de la chanson. On entendait ses mots, quasiment le pincement des cordes.

Même si on peut déplorer un répertoire scénique qui est un peu toujours le même depuis des décennies, comme c’est souvent le cas avec les artistes trop fidèles à leurs vieux admirateurs, on a toujours beaucoup de plaisir à retrouver Cabrel, lui qui se bonifie avec l’âge et dont les dernières chansons originales (l’album «Des roses & des orties», 2008) sont foudroyantes de beauté. Après plus de trente ans de carrière, il était au sommet de son art.

La suite est en préparation. En attendant, il se paie une mini-tournée américaine : Québec, Montréal, Sherbrooke, mais aussi New York et Los Angeles. Pourquoi évoquer ici une série qui se joue déjà à guichets fermés (sauf sur Internet à prix prohibitifs)? Pour témoigner et pour souhaiter à haute voix qu’un enregistrement en public en soulignera la qualité.

La grande nouveauté de cette tournée, c’est que le chanteur français est seul sur scène, avec trois guitares en bois, un piano sur deux chansons (dont L’encre de tes yeux) et Je l’aime à mourir au ukulélé. Même pas d’ordinateur pour ajouter des sons. Bénédiction. Inutile de préciser que ce dépouillement lui va à ravir. Ses classiques y passent, ainsi qu’une très vieille ressuscitée (Je rêve) et quelques reprises ou adaptations (Un simple coup du sort de Dylan, Rosie de Jackson Browne, Le gorille de Brassens, Quand j’aime une fois de Richard Desjardins). Il ne manquait que La fabrique de James Taylor pour que le tour soit complet.

Il y a eu beaucoup d’émotions ce vendredi soir, quelques rires, quelques déhanchements, des chansons superbes (Répondez-moi ; Octobre ; Le chêne liège ; etc.) mais on se serait vraiment passé de Telecaster…  Ce fut 105 minutes bellement remplies.

Au rappel, Mathieu Lippé (qui assurait la première partie, que je n’ai pas vue) est venu chanter en duo avec lui Elle écoute pousser les fleurs, un titre cabrelien qu’on entend moins et ça faisait du bien de retrouver un Cabrel plus frais, qui sortait des limites d’un répertoire prodigieux mais trop balisé par les mêmes bornes.

Il doit revenir chanter l’année prochaine, espérons qu’il y aura beaucoup de bonnes et nouvelles chansons à y écouter.

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Francis Cabrel, 14 mars 2014, salle Pierre-Mercure, Montréal