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Michel Rivard: le coeur de sa vie

1 Mai 2019

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Michel Rivard revient sur les planches avec un spectacle totalement inédit, L’origine de mes espèces, une pièce de théâtre alimentée de chansons neuves, une autofiction qui raconte sa jeunesse, le tout avec la tendresse et l’humour qu’on lui connaît.

Au bout du fil, Michel Rivard semble heureux de partager ce nouveau projet. Ce n’est plus simplement un disque, mais un livre d’une centaine de pages, accompagné d’un cd avec les chansons du spectacle (sans les monologues entre elles). Le sous-titre a son importance : Théâtre musical en solitaire. En un peu plus de 90 minutes, avec le soutien d’un seul musicien (Vincent Legault), le chanteur jouera une pièce de théâtre dans laquelle il chante. Mais Rivard insiste : il restera dans l’inédit, il ne fera aucune chanson connue : «L’idée, c’était de briser le moule. Je suis de plus en plus lassé du show-biz dans sa trajectoire habituelle : écriture, album, promo, monter le show avec de nouvelles chansons mais en mettant des vieilles aussi, on le fait un bout de temps, et on recommence.»

Puis il évoque de lui-même le rôle de sa compagne, la parolière et productrice télé, Ève Déziel : «Ma blonde Ève m’a beaucoup poussé dans le derrière en me disant que si j’étais tanné de faire ça, je devais proposer autre chose. Que je pourrais inverser ça en parlant plus que je ne chante. J’avais déjà l’idée de raconter mes origines, la rencontre de mes parents, à leur union un petit peu boiteuse, à mon enfance, aux recherches que j’ai faites plus tard pour comprendre la relation de mes parents. Alors j’ai décidé de jumeler tout ça en prenant ce sujet-là. J’avais peur car je ne voulais surtout pas tomber dans, entre guillemets, la Personnalité connue qui raconte son enfance malheureuse, dit-il en riant. Premièrement, je n’ai pas été malheureux!»

Ceux qui ont vu Michel Rivard sur scène, comme chanteur ou improvisateur, savent qu’il a la parole facile, qu’il aime blaguer, faire des détours. En entrevue, il est comme ça aussi. Il accepte volontiers de déborder du sujet, il évoque pour nous Patrick Norman, Joni Mitchell, Procol Harum, Bob Dylan analysé par Greil Marcus, il s’avoue un amateur du magazine musical londonien Uncut. On jase également de l’excellent documentaire que lui ont consacré récemment les Grands reportages de RDI.

Et c’est sans heurt qu’on revient à notre propos : «Ça a été un long processus. Ça se passe sur trois ou quatre ans à peu près. C’est un sujet délicat. Je ne voulais pas remettre dans la face de ma mère les moments de sa vie où elle était moins heureuse. Elle est décédée il y a quatre ou cinq ans, et il y a eu une libération d’une certaine façon, en me disant que je pouvais dorénavant raconter ce que je veux. Je me suis informé en parlant avec des membres de ma famille, des oncles, des tantes, mais je ne cite pas de noms propres dans mon texte.» D’une certaine manière, il a voulu raconter le cœur de sa vie, mais en prenant soin d’épargner ses proches de l’embarras de la vie publique.

C’est donc un monologue en solo, parfois émouvant, parfois drôle. «J’ai travaillé avec Alexia Bürger, une auteure de théâtre, metteure en scène et comédienne. Elle était ma conseillère en dramaturgie. J’avais vu sa pièce Les Hardings, et j’avais adoré ! Elle a une structure dramatique extraordinaire. C’est elle qui m’a aidé à donner une forme théâtrale, à mettre dans l’ordre les centaines de bouts de monologues et de poèmes que j’avais, et à en faire une ligne dramatique. Et elle m’a aussi aidé pour les coupures, parce que j’étais parti pour un show de quatre heures!»

Michel Rivard rigole encore. Et pour la suite? Il n’a pas d’autres projets immédiats que cette pièce de théâtre qui, à la rigueur, pourrait être appréciée par quelqu’un qui ne le connaît pas du tout, qui ne connaît rien du chanteur. En gommant les noms propres et les références trop précises, il l’a également universalisée.

Francis Hébert

(pour L’Entracte de mai 2019)