Archive for septembre 2014

Prière de laisser Victor Hugo tranquille

26 septembre 2014

Victor_Hugo

Petite discussion sur ce blogue, à la suite d’un vieux billet (qu’on peut consulter ici), dans lequel j’écrivais entre autres:

«La chanson est un art qui mise beaucoup sur les sentiments, les souvenirs, ça explique d’autres bizarreries comme ce triomphe fait à C’était bien – le petit bal perdu, une bluette sympathique mais qui ne mérite pas du tout sa 19e place !»

Ça a fait grincer des dents un lecteur qui vient de me répliquer:

«Pas d’accord avec votre appréciation de la chanson de Gaby Verlor (« c’était bien, un petit bal perdu »). La chanson, c’est un heureux mariage entre des paroles et de la musique. Une chanson réussie, ce n’est pas forcément un texte qui vole à des hauteurs stratosphériques, ce n’est pas forcément un texte poétique (qui se suffit à lui même, ce n’est pas pour rien que Victor Hugo a défendu que l’on jette de la musique aux pieds de ses vers), mais c’est un quelque chose qui laisse des traces, qui fait appel à des sentiments comme la tendresse ou la nostalgie, comme c’est le cas de « c’était bien ».» (Gilbert Duroux)

Voilà qui est intéressant, et comme j’aime les échanges avec vous, j’ai répondu ceci:

«Personne, pas même les spécialistes de Victor Hugo ou les historiens de la chanson, n’a pu (re)trouver l’endroit où il aurait dit ou écrit une pareille chose… Alors, il faudrait peut-être une fois pour toutes cesser de répéter cette scie. Hugo a écrit plusieurs textes ou recueil(s) avec le mot chanson dedans, c’est donc que cet art ne devait pas lui déplaire – loin de là…

J’ai dû l’écrire plusieurs fois, mais je crois que la chanson est l’heureux mélange entre des paroles, une mélodie, un interprète et des arrangements. Rien ne prime, mais un ou l’autre de ces éléments peut gâcher l’ensemble. Je parle bien sûr d’une chanson enregistrée et qui devient la référence, avant qu’on la réinterprète, ce qui est possible aussi, parfois avec bonheur.

Par ailleurs, il est clair que la subjectivité, les souvenirs, affectent le jugement de l’auditeur, surtout avec des chansons qu’il aime probablement depuis l’enfance… Comprend qui peut ou comprend qui veut!»

Alors? S’il y a un lecteur parmi vous encore plus calé en Victor Hugo que les spécialistes et historiens des précédentes décennies, qu’il se lève, mais sinon prière de laisser le père Hugo roupiller en paix.

Amen.

Comme à la maison

23 septembre 2014

recto 2014

Chaque Québécois un peu mélomane a une histoire personnelle avec la maison de disques Audiogram, qui souffle ses trente bougies avec la parution d’un triple album intitulé «Trente». Une trentaine de morceaux, interprétés par une trentaine de ses artistes en version dépouillée, voire acoustique, comme à la maison.

Jugez un peu: parmi les premières parutions de la boîte, on compte Michel Rivard «Un trou dans les nuages», Richard Séguin «Double vie» et «Journée d’Amérique», Paul Piché «Sur le chemin des incendies», et ma génération ne peut oublier le fiévreux «L’amour est sans pitié» de Jean Leloup… Et que dire de «La Llorona» de Lhasa, qui figure dans bon nombre de collections de gens d’ici (comme une petite soeur de Manu Clandestino Chao: une tache de couleurs dans nos discothèques).

Pour «Trente», ces pionniers sont retournés en studio pour donner des reprises brutes et émouvantes. On peut également y entendre les Marc Déry, Laurence Jalbert, Ariane Moffatt, Vilain Pingouin, Pierre Flynn, Isabelle Boulay, Daniel Bélanger, Mara Tremblay, Jim Corcoran, André Gagnon… Sans oublier la plus jeune génération (Salomé Leclerc, Pierre Lapointe, David Giguère, Amylie, Philémon Cimon, Hôtel Morphée, Peter Peter). On navigue entre le le rock, le hip hop de Loco Locass, l’humour de Rock et Belles Oreilles,  la chanson, la pop, le rock et un anglo, Ian Kelly. Parfois, c’est harmonieux mais pas toujours.

L’emballage a été soigné, avec de nombreuses photos, un texte de présentation historique signé Tristan Malavoy (qu’on aurait aimé entendre chanter aussi puisqu’il a produit deux cd chez Audiogram). On regrettera quand même l’absence de la talentueuse Sylvie Paquette. Pour vous consoler, on pourra se repasser le très beau «Jour de chance», une des meilleures parutions récentes de la maison.

Mais n’oublions pas non plus qu’Audiogram s’est aussi lancée dans la réédition de classiques québécois. Souhaitons ardemment qu’elle continue dans cette voie, pour propager le meilleur du patrimoine québécois. Après «Jaune» et «Soleil» de Jean-Pierre Ferland, pourquoi pas «Les vierges du Québec»? Après «La tête en gigue» de Jim & Bertrand, pourquoi pas les trois autres 33 tours du duo?

En tout cas, voici une boîte à chansons comme on les aime. Longue vie à elle.