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Léonard Lasry: entretien pop

10 mars 2021

Vous vous ennuyez des premiers albums de Benjamin Biolay, quand il était pop avec élégance, piano et mélancolie? Vous aimez depuis toujours William Sheller? Écoutez le nouveau Léonard Lasry. Avec «Au hasard cet espoir», tout juste paru, il signe un disque de haut vol, aux arrangements étoffés. Il brillait en formule dépouillée, il épate aujourd’hui avec ces foisonnantes chansons, co-écrites avec Élisa Point. Par courriel, on lui a posé quelques questions volontiers naïves…

  1. Quels étaient tes désirs  et idées avec ce nouvel album? Comment s’est passé l’enregistrement ? Tous ensemble en studio ou chacun chez soi?

L’écriture de cet album a commencé à l’été 2017 quelques mois avant la sortie du précédent «Avant la première fois». Cet album-là était un peu comme un nouveau départ et j’avais envie d’en créer la suite, d’étendre ce repertoire. Naturellement, des idées, des thèmes, des morceaux de vies ont inspiré ces nouvelles chansons. La quasi totalité des sessions de l’album avait été enregistrée avant le premier confinement, donc tous ensemble en studio, même s’ il m’arrive de rejouer mes pianos de façon plus appliquée dans un deuxième temps. Après le premier confinement on s’est remis au travail sur les finitions, quelques instruments additionnels, quelques chœurs et les derniers titres. Je crois que c’était On y pense sans y croire en piano/voix pendant l’été qui a clôturé ces enregistrements qui ont été donc éparpillés sur un laps de temps assez long. 

2) Tu collabores beaucoup avec Élisa Point depuis des années. Raconte-nous comment vous vous êtes rencontrés et comment vous travaillez. Lui donnes-tu des thèmes ou des indications pour les textes qu’elle écrit pour toi?

On peut vraiment dire qu’on forme un tandem. Nous aimons créer des chansons ensemble, on a le sentiment qu’il y a une vraie symbiose entre nos textes et mélodies. J’ai rencontré Élisa Point en 2009, je faisais à l’époque une résidence dans une petite salle parisienne et elle a commencé à venir me voir très régulièrement et me proposer d’ajouter à mes chansons de l’époque quelques chansons. La première a été Love Song Sad, une chanson qui était discrètement sortie sur un de ses albums expérimentaux («Un petit siècle d’heures contre le cœur»). Ça m’a fait très plaisir et je me suis, disons, appliqué à l’interpréter du mieux que je pouvais. J’avais aussi envie de lui montrer que son verbe et mon univers pouvaient très bien se marier. J’ai eu la même démarche avec Après le feu des plaisirs,  une chanson qui me touche en plein cœur et que je trouve sublime. J’ai été très touché lorsque je l’ai chantée pour la première fois en live, Élisa m’a dit que cette chanson qu’elle affectionnait beaucoup ne l’avait jamais emballée dans son interprétation d’origine, c’est-à-dire chantée par elle-même, et que c’était selon elle une chanson d’homme qui avait avec moi enfin trouvé son interprète idéal! J’ai été très flatté , j’ai gardé cette chanson à mon répertoire depuis, il est rare que je ne la chante pas lors d’un concert… Élisa aimait beaucoup mon album «Nos jours légers» et trouvait que je faisais de belles mélodies… Sur cette  lancée, nous avons commencé à mieux nous connaître, nous fréquenter un peu, nous avons enregistré «L’exception» qui était composé de relectures de mes chansons préférées de ses propres albums auquel nous avions ajouté Il y avait, cette chanson est la deuxième chanson que nous avons signée ensemble Élisa et moi. J’aimais son esprit «Saudade», d’ailleurs je rêvais de l’entendre chantée par Cesaria Évora. Je l’avais envoyée à son producteur qui avait trouvé que c’était une bonne idée et l’avait retenue pour la lui faire écouter. Malheureusement, Cesaria nous a quittés cette même année. Cet album a été un très beau point de départ à une belle collection de chansons nées au fil des ans. Nous ne nous donnions pas rendez-vous pour écrire des chansons. C’est plutôt au fil de nos rencontres, de nos balades, de nos goûters musicaux ou de nos nuits à écouter et jouer de la musique que nous avons commencé à créer de plus en plus de chansons. Tout l’album «Avant la première fois» et plus encore.

Élisa m’a observé et ressent les choses, donc je n’ai en général pas besoin de lui demander précisément d’écrire sur un thème ou un autre. C’est arrivé quelques fois, par exemple avec Les merveilles du passé, je voulais chanter une chanson qui n’idéalise pas le passé et les beaux souvenirs pour dresser un arc-en-ciel devant soi. Pour cet album j’ai voulu aussi lui proposer d’écrire un texte inspiré des sentiments que j’ai ressentis en lisant le roman «Croire au merveilleux» de Christophe Ono-dit-Biot. Cela a donné Les archives du cœur qui est une chanson qui compte beaucoup pour moi.

3) Jadis, tu écrivais toi-même tes paroles, ça ne te manque pas?

Oui et non. Je n’ai pas l’impression de chanter les mots de quelqu’un d’autre car la fusion est telle que nos chansons créées ensemble je les sens miennes. Élisa a son empreinte et son style inimitable certes mais en même temps, elle adapte son écriture à son interprète en faisant du sur-mesure. Je ne me sens jamais déguisé par ses mots. J’avais la conviction depuis mes débuts, voire même avant, depuis les premières chansons que j’ai enregistrées en maquette lorsque j’étais encore lycéen qu’il me faudrait rencontrer un jour «mon auteur» pour ressentir à travers ses mots la même intensité que je pouvais ressentir en composant mes mélodies. Je ne pense pas avoir à rougir des textes de mes premiers albums mais avec Élisa nos chansons en tandem m’ont fait grandir et mûrir aussi. En témoignent ces albums, les miens mais aussi celui que nous avons créée pour elle «Le cinéma d’Élisa Point » sorti l’an dernier, celui que nous avons signé en tandem pour Marie France «Tendre assassine» et une collection de chansons pour d’autres interprètes ainsi que toutes celles qui ne sont pas encore sorties…

Ceci étant dit, j’écris toujours des textes de temps en temps, pour l’instant pas pour mon propre répertoire car je suis comblé avec mon répertoire actuel, mais parfois pour d’autres projets.

Je viens d’ailleurs d’en enregistrer une que j’ai écrite et composée pour un film qui sortira bientôt.

4) Les comparaisons avec Biolay, Sheller ou Gainsbourg, ça te gave? Ce sont des artistes que tu as beaucoup écoutés?

Non pas du tout. C’est plutôt flatteur d’être associé à ces références. J’aime ces artistes. Gainsbourg pour la densité de son répertoire, ses différentes époques, son côté pygmalion pour les femmes, la richesse et diversité de son œuvre qui me plaît dans son intégralité. Je me suis penché sur William Sheller un peu plus tard et effectivement je m’en sens beaucoup plus proche musicalement. Son jeu de piano, ses harmonies, sa pop construite autour du piano. J’adore. Quelle élégance! 

On est souvent comparés ou associés à telle ou telle référence. Cela ne me dérange pas, chacun classe aussi en fonction de sa propre culture…

Benjamin Biolay fait  toujours de belles mélodies et arrangements, j’aimais aussi les chansons qu’il a écrites pour Henri Salvador ou sa sœur Coralie Clément. Il ne s’en rappelle sûrement pas mais il m’a même chaleureusement encouragé  lorsque j’étais encore étudiant et que je lui avais envoyé quelques maquettes à écouter!

5) Tes pochettes sont souvent, à mon goût, assez kitsch. Est-ce un goût avoué ou vois-tu les choses différemment? 

Chacun met la barre du kitsch à un certain endroit selon ses propres goûts ; oui le précédent album avait un aspect surréaliste, un poil «Dali» avec mon visage en surimpression dans ce décor de Vincent Darré, ça peut paraître kitsch. Moi ça me plaisait pas mal… Mais je suis plus heureux avec la pochette de «Au hasard cet espoir».  Celle-ci est à la croisée de deux idées. Un petite référence mystique. Je pensais aux pièces de monnaie porte-bonheur et aux ex-voto que j’avais connus en Grèce. Et puis depuis que je porte la barbe, on m’a quelques fois dessiné en statut gréco-romaine. L’un dans l’autre tout s’est assemblé pour finir par me représenter dans un médaillon, mon visage et corps peints à la feuille d’or pour l’occasion. Comme le titre et d’ailleurs l’ensemble de l’album sont tournés  vers l’espoir et une vision plutôt positive de l’existence je trouvais que l’illustrer par un porte-bonheur à mon effigie ne serait pas une mauvaise idée. 

6) En 1976, avec «Le cauchemar américain», le groupe québécois Aut’Chose avait signé une pochette similaire, et le chanteur avait été malade à cause de la peinture sur son corps… Pas toi?

En 1976 il n’y avait peut–être pas de produit destiné à la peau. Moi j’ai été soigneusement maquillé par des produits adaptés à cette expérience, non je n’ai pas été dérangé…J’ai pensé que cela resterait incrusté dans ma peau, ma barbe etc mais non c’est parti très très facilement sous la douche… 

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Traversées (8)

12 décembre 2020

Allain Leprest chantait que le génie est bizarre. Eh bien, l’inspiration, c’est pareil. Certains artistes ont de bonnes périodes, et d’autres alternent les bons et les mauvais disques au cours de la même époque. Ainsi, un Gérard Pierron peut être grandiose avec son copieux album consacré à Louis Brauquier, mais beaucoup moins avec d’autres opus très longs. Mais difficile de demander à un tel artiste d’être moins généreux ou plus sévère envers son travail. Et puis, qui sait?, une chanson peut plaire à l’un et pas du tout à l’autre, même si les deux auditeurs aiment tous les deux cet artiste…

Donc, ce cher Gérard Pierron, un des meilleurs mélodistes de la chanson française poétique, qui nous bouleverse depuis son premier microsillon en 1977, vient d’en faire paraître un nouveau, «Good-bye Gagarine», du titre d’une chanson déjà interprétée par son parolier Allain Leprest, et que nous n’aimions déjà pas dans sa version d’origine, et guère plus ici. À l’instar de quelques titres du disque, qui nous semblent poussifs.

Par contre, on trouve une douzaine de jolis morceaux, et ça serait fâcheux de les louper. Par exemple, Tuileries de mes peines (texte de Raymond Queneau), Caressons-nous (Céline Caussimon), Rondeau de la nature (Charles d’Orléans), Pluie d’été (Louis Brauquier), Paris est vide sans toi (reprise de Claude Astier)… Et Pierron signe lui-même, paroles et musique, ce qui est peut être le meilleur cru de cet opus: Regarder la Loire.

Notons que la couverture est une peinture de René Claude Girault et que le livret est riche de mots et d’images, mais qu’il est un peu trop touffu, comme le cd qu’il accompagne…

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Poursuivons avec deux courts albums très beaux.

Celui de Brigitte Saint-Aubin qui renoue avec le folk dépouillé sur «Chansons nues» (2015), enregistré conjointement avec le guitariste Denis Ferland. Émouvante réinterprétation de quelques-uns de ses anciens morceaux. Une version cd est disponible à ses spectacles, et on peut l’écouter sur sa page Bandcamp. Sous le charme.

Et celui de Léonard Lasry, essentiellement piano/voix, écrit pendant le confinement avec sa comparse de toujours, Élisa Point. La chanson titre Se revoir peut-être est en écoute ici. Un nouvel opus de pop plus étoffé est prévu pour cet hiver.

N’oublions pas cette réjouissante surprise: un maxi de six titres de Johnny Pilgrim (pseudo de Jean Pellerin, un Québécois qui vit à Los Angeles): «Sur la trace de Tex Lecor» où il reprend de vigoureuse manière de vieilles chansons du peintre-chansonnier. Une suite est déjà prévue mais pas encore enregistrée, et un album complet devrait voir le jour. Pour le moment, il faut se contenter du numérique. Mais quel projet exaltant qu’on peut découvrir ici. C’est l’omniprésent Éric Goulet qui a fait la réalisation en plus de jouer divers instruments, conjointement avec les Mountain Daisies.

En terminant, notons que le dernier album de Sandra Le Couteur (dont j’avais parlé dans ce billet) sortira sous peu en 33-tours. Splendide. Il devrait être disponible sur le site de la chanteuse acadienne et chez les différents disquaires spécialisés.

Fragiles beautés

26 avril 2020

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En 2017, Léonard Lasry faisait paraître «Avant la première fois», un album qui vaut la peine de s’y attarder, en dépit du kitsch de la pochette. À l’écriture des textes, il y retrouve sa complice des dernières années: la précieuse Élisa Point.

C’est un tandem émouvant, que l’on a plaisir à redécouvrir de temps à autre sur ce blogue. Certains trouvent que ce cru 2017 ressemble au Gainsbourg de la période anglaise. Possible. Mais nous, c’est surtout à William Sheller que nous pensons en écoutant chanter Léonard, ainsi que nous l’écrivions dans ce billet.

D’ailleurs, si les arrangements pop de ce disque nous plaisent, on a quand même une préférence pour le cd bonus où on entend les mêmes chansons mais dans des versions dépouillées. Lasry n’a pas besoin d’artifices: sa voix, ses mots et ses mélodies suffisent à séduire. Les bonus sont disponibles également en numérique sous le libellé «Après le feu des plaisirs», du titre d’une des plus belles chansons d’Élisa Point qu’il reprend justement.

Cet hiver, la parolière publiait «Le cinéma d’Élisa Point», avec des textes à elle, et des musiques et une réalisation de Lasry, conjointement avec Axel Wurthorn. Une série de belles chansons pudiques, en hommage aux artistes du grand écran. Fabuleuse idée! Catherine Deneuve, Cate Blanchett, Alain Delon, Jeanne Moreau, Romy Schneider, Jean-Louis Trintignant, Louis Garrel… Fragile beauté, murmurée…

Mention spéciale au dessin de Marc Le Gall qui orne la pochette et donne envie d’y entrer, comme une porte de cinéma de quartier…

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L’île aux mystères

18 décembre 2014

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Mystérieuse et sensuelle, c’est un plaisir de retrouver Élisa Point, sa plume fine et littéraire, cette voix confidentielle, fragile comme un frisson. Exceptionnellement, voici qu’elle opte pour le format bref, avec la parution d’un maxi sept titres: «Toujours en fin d’adolescence». En l’espace de 24 minutes, on se love avec délices sur son île apaisante.

Le disque est produit par son ami, l’auteur-compositeur-interprète Léonard Lasry – qu’on a d’ailleurs hâte de retrouver en 2015 avec un album complet, en espérant qu’il sera dans la même veine poétique que les deux précédents.

«Toujours en fin d’adolescence» réunit des chansons perdues, inédites, qui proviennent de différentes sessions d’enregistrements entre les années 90 et 2000. Les crédits artistiques se sont perdus en chemin. On ne saura peut-être jamais qui tenait la guitare, et c’est dommage, sur la chaloupée Elle paresse, notamment. Tous les morceaux ont été écrits, paroles et musiques par Élisa, sauf le duo à la fin, dont on doit les notes à Lasry, et qui chante avec elle. L’alliance de leurs univers artistiques est encore une fois très réussie.

Un disque comme un recueil de courtes proses, à relire sans fin.

Disponible sur iTunes ou sur ce site…

P.-S. Petit rappel, on peut consulter tous les articles écrits sur le même sujet en cliquant sur les tags qui figurent à la fin de ce billet. Des mots-clefs pour s’y retrouver.

Murmurer

3 novembre 2014

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Récemment, Vincent Delerm nous avait offert «Les amants parallèles» et Albin de la Simone, «Un homme». Pour son troisième album, Stéphanie Lapointe emprunte la couleur sépia de la pochette à son ami Albin et signe le splendide «Les amours parallèles».

Le dernier opus de la demoiselle Lapointe remontait déjà à 2009 et figurait parmi les meilleurs crus de l’année. Depuis, elle a fait l’actrice, un peu de ciné, de télé, participation à la comédie musicale «Les filles de Caleb», mais c’est en murmureuse de chansons qu’elle fait merveille. On parlerait d’enchantement si le mot n’était pas usé. Elle, a contrario, semble toute fraîche et épanouie.

Voici une interprète qui transcende tout ce qu’elle chante, mais de manière discrète. Aucun flafla dans sa démarche, tout est dans la retenue. Elle effleure les textes, vaporeuse, délicate, troublante. Une chanteuse de l’intime, pour oreilles attentives, un peu comme Élisa Point en France.

Contrairement au cd précédent, où elle signait presque toutes les paroles, Stéphanie Lapointe s’est mis à la bouche les chansons des autres. On retrouve une reprise de Gainsbourg (Un jour comme un autre), une autre de 2008 signée Jane Birkin (Pourquoi). Puis des auteurs-compositeurs plus jeunes : les talentueux Philippe B et Philémon Cimon (qui fait un duo avec elle), des saveurs à la mode (Jimmy Hunt, Stéphane Lafleur), une parenthèse anglo avec Leif Vollebekk, ainsi que, par deux fois, Kim Doré sur une musique de Forêt.

C’est justement à Forêt, combo québécois composé de Joseph Marchand et Émilie Laforest, que l’on doit la réalisation sobre et racée. Un disque comme une bulle hors du temps, jamais démodée.

Au bout du court voyage, on se rappelle que Stéphanie Lapointe sait nous emmener là où elle veut, mine de rien. Sensuel périple, même si on espère qu’elle se remette à l’écriture la prochaine fois.

Ces chansons lentes

25 juillet 2013

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En écoutant le nouvel opus de Léonard Lasry, Me porter chance, on pense pas mal à William Sheller, à ce qu’il a fait de meilleur (Sheller en solitaire; Olympiade). Et c’est d’une beauté qui apaise, qui fait sourire mélancoliquement. Du piano-voix, avec une touche de sensuelle trompette ou de bugle, tout en douceur. On songe à des mots shelleriens – comme on dirait wagneriens – pour suggérer l’ambiance: «Le feu dans les doigts/Je jouerai tout bas/Cette chanson lente que tu aimes»…

On ne peut mieux résumer Me porter chance: la ferveur du feu, la pudeur des émotions, la lenteur… Lasry prend son temps, installe un climat poétique poignant. Il n’y a qu’à voir le chemin parcouru. Sur son disque de 2010, on trouvait la chanson Nos jours légers, mais interprétée de manière superficielle, pop dans son sens péjoratif. Elle est ici réenregistrée plus posément, plus lentement, et elle en devient émouvante.

Les chansons lentes de Léonard Lasry, dans cette formule dépouillée, s’incrustent en nous, on les aime d’emblée. Et l’envie de les réécouter, de les fredonner n’est jamais loin.

On avait découvert cet auteur-compositeur-interprète français en 2012 alors qu’il lançait un disque en duo avec la délicieuse Élisa Point, dans un répertoire à elle. Puis on avait remonté à la source avec les deux premiers Lasry, un peu fades, manquants de maturité, dont nous n’avons retenu que trois titres (Les petites turbulences; L’objet du litige; Tout se dégrade).

Avec Me porter chance, l’artiste est à point. Prêt à être réécouté. Il signe seul près de la moitié du disque, aidé sur les autres morceaux par Paul-Armand-Delille et Philippe Shaft. Quelques bémols cependant: l’absence de livret et deux versions de La vie est dure pour les étoiles (il aurait fallu choisir entre celle en solo ou celle en duo avec Jean-Claude Dreyfus).

L’instrumental Igloo est aussi de haute volée.

Franchement, pour nous faire aimer à ce point du piano-voix, il faut que les chansons et l’interprétation soient remarquables. Elles le sont, ces admirables chansons lentes.

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Léonard Lasry, Me porter chance (29 Music)

On peut en entendre des extraits sur son site.

La ligue des champions

13 décembre 2012

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L’année 2012 en chansons francophones. Voici les meilleurs joueurs. D’ici quelques jours, je publierai un autre billet pour dévoiler les coups de cœur de la plupart de ces lauréats. À suivre.

Meilleurs albums

1) Sébastien Lacombe, Territoires

2) Élisa Point & Léonard Lasry, L’exception

3) Thomas Hellman chante Roland Giguère

4) Tristan Malavoy, Les éléments

5) Daran, L’homme dont les bras sont des branches

La plus belle surprise / le plus original

Domlebo, Chercher noise

Merveilleusement et bellement hors du temps

Alexandre Belliard, Légendes d’un peuple tomes 1 et 2

Espoir

Thierry Bruyère, Le sommeil en continu

Meilleure chanson

Louis-Jean Cormier, Un monstre (paroles et musique de LJ Cormier)

Rééditions

Julien Clerc, coffret L’essentiel (13 cd)

Renaud, Intégrale studio (18 cd)

Les plus nuls

Raphaël, Super-Welter

Benjamin Biolay, Vengeance

Élisa, Élisa

15 février 2012

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La très grande auteure-compositrice-interprète Élisa Point lançait cette semaine en France un nouvel album, cette fois-ci en duo avec le jeune chanteur pop Léonard Lasry, «L’exception».

En 2000, mademoiselle Point avait publié une pure merveille, «La panoplie des heures heureuses», à ranger dans la discothèque idéale.

Élisa, c’est la femme derrière le disque «Comm’ si la terre penchait» de Christophe. Non seulement elle y a écrit quelques textes mais elle a également beaucoup participé à sa conception, pratiquement comme co-réalisatrice (c’est ce que nous apprend la bio du chanteur signée Henry Chartier).

C’est une chanteuse à la toute petite voix, qui murmure des textes délicats, littéraires, souvent mélancoliques ou finement humoristiques. Si elle n’était pas si jeune (la mi-cinquantaine environ), on pourrait dire qu’Élisa Point est l’ancêtre de Clarika.

Le seul problème, si on peut dire, c’est qu’elle est un peu trop prolifique. En 10 ans, elle a multiplié les enregistrements: simples, doubles, triples et même un coffret de cinq cd d’un seul coup! Toujours des chansons inédites…

Musicalement, ça pouvait devenir un peu linéaire. Mais en 2009, elle a formé un duo avec Fabrice Ravel-Chapuis et produit un disque sous le nom de Désolé. C’est devenu plus pop, plus léger. Et ces envolées musicales lui faisaient le plus grand bien.

Elle remet ça aujourd’hui avec Léonard Lasry. Et une première écoute laisse croire que c’est très réussi.

L’envie de la retrouver revient. Et celle, également, de mieux connaître son jeune compagnon créatif.

Clip de leur chanson «Libre»

Élisa et Léonard étaient dans les studios de «Sous les étoiles exactement» de France Inter cette nuit. On peut l’écouter sur le site ou télécharger le podcast. Belle complicité, bonne émission.

La discothèque idéale # 14

20 janvier 2012

Christophe, Comm’ si la terre penchait (2001)

Tout jeune, dans les années 60, Christophe a mal commencé avec des ritournelles comme Les marionnettes et Aline, des succès qui lui collent encore aux basques, quatre décennies plus tard. Il les chante encore aujourd’hui en spectacle. Essayez de laver votre image après ça…

Les années 70 emportent Christophe, transformé en dandy, dans le tourbillon du rock lettré avec des albums splendides et sophistiqués : «Les paradis perdus»; «Les mots bleus»; «Le beau bizarre».

Puis c’est la déchéance. Il se perd dans les années 80, sort un disque électro guère convaincant en 1996 (mais encensé par le micro cercle des  archi fans).

Arrive 2001. «Comm’ si la terre penchait» paraît. De nouveau plutôt électro, mais cette fois avec de fortes mélodies. Aussi planant qu’un vieux Pink Floyd. Le délire. Des textes dingues, poétiques, signés essentiellement de Christophe, Marie Möör et Élisa Point.

Du piano qui s’égrène avec la force d’un volcan, et la délicatesse de perles qui tombent. Des nappes chaudes de synthés.

L’impression d’être happé dans un autre monde, en suspension. Des chansons sublimes.

«Les lumières bleues dansent sur les terrasses
Et les étangs reflètent leurs lumières
Le jour ne vient pas, ça me fait peur
Pourtant je ressens du bonheur

Plus jamais ouvrir de porte
Verser une larme
Vers… l’intérieur
Comm’ si la terre penchait»

Il faut entendre Christophe interpréter ces mots de sa voix impossible pour comprendre que Baudelaire avait bien raison : le beau est souvent bizarre.

(billet publié le 6 février 2008)


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