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L’idole?

3 août 2013
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Madeleine et Léo Ferré, 1962, île Du Guesclin. Photo de Jean-Pierre Sudre.

On ne sort pas indemne de la lecture du livre d’Annie Butor, «Comment voulez-vous que j’oublie… Madeleine et Léo Ferré 1950-1973» paru cette année chez Phébus. La belle-fille du chanteur y raconte l’envers du décor: une quinzaine d’années à vivre sous le même toit que Ferré, puis le divorce avec Madeleine. C’est en grinçant des dents qu’on découvre un Ferré pitoyable: menteur, infidèle, procédurier, manipulateur et maître-chanteur (il offre une voiture à sa belle-fille en lui demandant de ne plus fréquenter un homme)…

Haineux, aussi. Il faut voir comment il s’acharne contre sa femme au moment de la séparation. Avant 1968, Léo avait toujours admis que Madeleine avait été d’une aide indispensable à sa vie d’homme, mais également d’artiste. Elle lui servait d’imprésario, lui disait comment s’habiller, comment bouger, elle le mettait en scène. On raconte qu’elle retouchait parfois des chansons et que c’est elle qui faisait le travail de remanier sévèrement les poèmes d’Aragon et compagnie pour en faire des textes à chanter. Pauvre Rutebeuf, c’est à elle qu’on le doit… Dans ses écrits et ses entrevues, Ferré parlait toujours de sa femme en bien, reconnaissant, admiratif.

La séparation entre eux a tout changé: Léo est devenu vindicatif, hargneux, il a gommé toutes les références à Madeleine dans ses œuvres passées. Il lui a écrit des lettres d’insultes, pendant longtemps. Il l’a dépossédée de leurs biens communs, lui laissant environ mille euros par mois pour vivre.

C’est cette histoire d’amour grandiose et cruelle que raconte Annie Butor dans son bouquin. Comme l’avait fait auparavant le biographe Robert Belleret, elle cherche à rétablir la mémoire de Madeleine Ferré, la juste place qu’elle devrait occuper dans l’histoire ferréenne. Non pas le rôle d’ignoble que Léo a voulu laisser croire…

Ce n’est pas une lecture facile, l’écriture n’est pas toujours habile ni le propos très clair, ça laisse une certaine amertume en bouche. Ça ne fait que prouver encore une fois qu’on peut être un immense artiste et un individu vil.

Il faut donc saluer le courage d’Annie Butor qui en osant publier un pareil témoignage s’attire les foudres de mauvaise foi et virulentes des adorateurs de l’idole… Mais Butor sait aussi reconnaître tout le talent du chanteur, dont elle semble connaître l’œuvre sur le bout du cœur. Forcément, c’est leur vie quotidienne à tous les trois que Ferré a transcrite pendant des années dans des chansons que la jeune fille entendait répéter à la maison.

Il serait intéressant que les ouvrages écrits par Madeleine trouvent maintenant un éditeur. En plus d’être la muse, elle écrivait aussi…

Dans ce passage télé chez Ruquier, Annie Butor parle de son livre et présente un extrait d’un film de famille inédit.