Posts Tagged ‘Tristan Malavoy’

La vie ne vaut rien?

1 octobre 2014

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Les astres s’alignent. Alors qu’on apprenait qu’un nouvel album d’Alain Souchon sortira en novembre, voici que l’auteur-compositeur-interprète-journaliste Tristan Malavoy lance à Montréal son nouveau disque, «Quatre», un maxi de quatre titres disponible uniquement en téléchargement.

Ça commence par une reprise de la prodigieuse chanson de Souchon, La vie ne vaut rien. Quiconque a entendu une fois l’originale ne peut s’empêcher de l’entendre tourner dans sa tête, avec une légèreté qui rappelle les robes d’été… Elle est imparable, quoiqu’un peu moins, déjà, dans l’enregistrement public… Comme si la fraîche beauté du premier enregistrement était indépassable, à jamais. On ne peut donc qu’être d’abord intrigué puis un peu déçu par cette nouvelle version signée Malavoy. Elle en devient un peu lourde, un peu empotée dans des sonorités actuelles. La faute à la réalisation de Jérôme Minière? Il est loin le temps du fabuleux «Petit cosmonaute», le Montréalais d’adoption s’est égaré en chemin – un peu comme ce billet, qui se voulait bref…

Et puis comme nous avons beaucoup aimé les deux premiers opus de Malavoy, on réécoute ce qu’il fait de La vie ne vaut rien, et on lui accorde finalement la note de passage. Mais on ne peut qu’avoir un regret: qu’il ne se soit pas plutôt attaqué à Jean-Louis Murat et Le lien défait, qu’il reprend à merveille sur scène depuis longtemps, surclassant l’originale.

Après le Souchon, le charme reprend. Son doux chant, la souplesse des chansons. On est séduit par Quelle femme, en duo avec Ariane Moffatt, sur un texte de Jean Désy. Le boulot de Minière colle bien à l’univers propre de Malavoy. On est dans la même orbite que sur les deux albums précédents. En apesanteur. Et ça se termine bien rapidement…

Les carnets de la chanson québécoise moderne et poétique s’enrichissent ici de quelques pages stylées et vaporeuses.

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Rebonds

18 décembre 2012

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Pour ouvrir des fenêtres. Par curiosité. Parce qu’on ne peut pas être partout, tout le temps. En guise de complément à mon palmarès de l’année, j’ai donc demandé ceci à quelques-uns de mes lauréats : «J’aimerais savoir quel a été votre coup de coeur musical francophone en 2012. Ça peut être un disque récent ou au contraire un vieux disque que vous ne connaissiez pas et que vous avez enfin pu découvrir. Québécois, Français, mort ou vivant, aucune importance.»

Voici leurs réponses (par ordre alphabétique). J’ai demandé à Alexandre Belliard de me donner un autre choix car Florent Vollant n’était pas vraiment franco. J’ai gardé le début du message parce que je le trouvais intéressant. Et tant pis si c’est de la triche!

Je tiens à les remercier pour leurs réponses.

Alexandre Belliard :
Zachary Richard, Bayou des mystères (1976)

Cette année j’ai écouté beaucoup, beaucoup d’albums, comme chaque année, de Placard à Chloé Ste-Marie, de Katerine et ses peintres à mon éternelle passion pour Renaud, mais je suis de façon récurrente revenu aux albums de Florent Vollant et plus particulièrement de son album Eku Mamu. Tellement sincère, tout près de nous, mélodique, enveloppant et en prime…. le rêve d’une poésie inaccessible que par le coeur. Tout un artiste!

Depuis mon périple de 11 500 km à travers l’Amérique au côté de mon paternel au mois d’octobre dernier, j’écoute avec acharnement l’album Bayou des mystères de Zachary Richard. Ça me rappelle les couleurs et les saveurs de la si belle Louisiane. Ça danse, ça sent les racines, l’histoire et la fête! Un grand monsieur ce Zachary!

Thierry Bruyère :
Montagnes russes, mini-tsunamis (maxi 5 titres ; 2011) d’Émilie Proulx

Pour moi, c’est une défricheuse comme les soeurs McGarrigle l’ont été pour mes parents. Sa façon d’aborder nos doutes et nos mal-aimés me renverse. Quand elle chante «Au fond c’que j’aime pas quand j’y pense / C’est surtout mon ambivalence / Mon visage flou comme le Québec / Américaine et pas pantoute», elle parle de mon propre combat. Elle est anglophile et se réclame simultanément d’une américanité francophone. Je sais, en l’écoutant, qu’il faut mettre la main à la pâte en français.

Louis-Jean Cormier :

Mon coup de coeur franco de 2012 est Astronomie d’Avec pas de casque pour la richesse de sa poésie. Des textes qui rendraient jaloux Miron et qui nous donnent le goût d’écrire… Mieux.

Domlebo :

J’ai pas mal écouté Marie-Pierre Arthur. Mes Aïeux ont sorti un disque avec plusieurs chansons très très bonnes. C’est Amylie par contre avec Le royaume qui gagne cette année. La réalisation, la lumière des textes, sa voix absolument charmante, les rythmes, les thèmes, une douce poésie féminine et pacifiante. Je ne l’avais pas haïe avec ses premières chansons et en spectacle mais là, wow!

Thomas Hellman :
Montagnes russes, mini-tsunamis (maxi 5 titres ; 2011) d’Émilie Proulx

J’adore le côté atmosphérique, douce mélancolie et poésie. Émilie a un son et un univers qui lui appartiennent entièrement. Elle est à mille kilomètres de toutes ces chanteuses avec de fausses voix naïves de petites filles que je ne peux plus supporter.

Sébastien Lacombe :

Mon coup de coeur musical de 2012 est un disque que j’ai redécouvert pendant mon travail de studio, je l’écoutais beaucoup pour me mettre dans une ambiance. Bleu Pétrole de Bashung, pour son côté tragique et surtout pour la chanson Vénus, un bijou d’arrangement, un disque que j’avais oublié et que je redécouvre cette année. Première à éclairer la nuit, Vénus…. La profondeur de ce disque est grandiose.

Léonard Lasry :

Cette année, contrairement aux années passées, j’ai eu beaucoup moins de coups de coeur pour des nouveautés francophones. J’en profite alors pour parler d’un album que j’aime toujours autant au fil des ans, il s’agit de l’album éponyme de Bruno Maman (2005).

C’est pour moi un très grand album avec des très grandes chansons… La production y est grandiose, elle est d’ailleurs signée Alain Goraguer, un des meilleurs arrangeurs-réalisateurs des années 60-70. Elle est à la fois classieuse, riche (grand orchestre) et inventive.  Je me rappelle avoir découvert cet album à sa sortie et être tombé immédiatement «d’accord» avec tout ce que j’entendais, le choix des mots, les mélodies, le son, les partis pris…Parmi mes préférées : Cain sans Abel, Naïf, Aujourd’hui efface hier, De chez toi à chez moi ou la très belle Le marchand de fleurs… En bref, je ne manque jamais de parler de cet album, trop injustement méconnu à mon avis…

Tristan Malavoy :
André Dédé Vander – French toast et peines perdues (2012)

Je connaissais bien sûr le Vander mouture Colocs, je connaissais aussi le type un peu bourru mais sympa croisé un soir sur une scène de Dub & Litté, ce «sound system littéraire» qui avait bien fait groover mes poèmes. Je connaissais beaucoup moins le Vander ACI, découvert vraiment avec French toast et peines perdues, très bel album paru en mars dernier. On se régale de sa version de la Marie-Jeanne de Dassin; on goûte au moins autant les chansons de son cru, textes bien tournés posés sur des musiques folk et reggae. J’aime.

La ligue des champions

13 décembre 2012

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L’année 2012 en chansons francophones. Voici les meilleurs joueurs. D’ici quelques jours, je publierai un autre billet pour dévoiler les coups de cœur de la plupart de ces lauréats. À suivre.

Meilleurs albums

1) Sébastien Lacombe, Territoires

2) Élisa Point & Léonard Lasry, L’exception

3) Thomas Hellman chante Roland Giguère

4) Tristan Malavoy, Les éléments

5) Daran, L’homme dont les bras sont des branches

La plus belle surprise / le plus original

Domlebo, Chercher noise

Merveilleusement et bellement hors du temps

Alexandre Belliard, Légendes d’un peuple tomes 1 et 2

Espoir

Thierry Bruyère, Le sommeil en continu

Meilleure chanson

Louis-Jean Cormier, Un monstre (paroles et musique de LJ Cormier)

Rééditions

Julien Clerc, coffret L’essentiel (13 cd)

Renaud, Intégrale studio (18 cd)

Les plus nuls

Raphaël, Super-Welter

Benjamin Biolay, Vengeance

Le «je» est détestable

10 juin 2012

Pourquoi ne pas faire un billet un peu narcissique où je vais parler de moi dans une critique sans que ce ne soit aucunement nécessaire? Ce sera mon hommage au journaliste du Devoir Sylvain Cormier. Avec des phrases tarabiscotées, ce sera encore mieux. Je taquine Cormier régulièrement mais je l’aime bien, c’est sans doute le meilleur journaliste musical avec Claude Gingras au Québec. Ceux-là, au moins, on ne les accusera pas de ne pas savoir écrire ou d’être ennuyeux. J’attends toujours une anthologie des critiques de spectacles de Gingras, ce serait réjouissant, miraculeux, formidable, démesurément chouette!

Ainsi, quand j’ai écrit récemment un texte ici pour célébrer le nouvel album de Tristan Malavoy, jadis mon patron au Voir, un des mes anciens collègues, tendrement facétieux, qui était au courant de mes «différends» avec Malavoy, m’a envoyé un mot:

-Tu es comme Jésus, toi, on te frappe et tu tends l’autre joue…

J’ai éclaté de rire. Mais que pouvais-je répondre d’autre que: son disque est bon, je ne vais pas écrire le contraire…

Alors ce soir, pour le spectacle extérieur de Malavoy aux Francofolies de Montréal, on ne peut que remettre ça. On peut déplorer l’heure de la représentation (17 h pour écouter des chansons douces et poétiques, ça ne va pas du tout), on peut regretter qu’en déplaçant la scène Espace vert, on ait amélioré la qualité d’écoute mais qu’on préférerait l’ancienne pelouse à l’actuel béton. Mais lui, il n’y est pour rien.

L’auteur-compositeur-interprète a fait son boulot de manière professionnelle, comme chaque fois que je l’ai vu. Un très bon spectacle. La chanteuse Amylie lui a donné la réplique bellement, les musiciens (basse-claviers-batterie) l’ont solidement appuyé. Et, encore une fois, c’est à se demander si sa reprise de Jean-Louis Murat (Le lien défait) n’est pas supérieure à l’originale. (Oups, ça fait longtemps que je n’ai pas parlé de moi, il faut y remédier. Hop! du nerf!)

Personnellement, je ne suis pas fou de Murat, je le trouve nettement surévalué, mais cette chanson vaut le détour. (Que puis-je rajouter d’autre pour continuer une critique narcissique?) J’ai trouvé, comme d’habitude, que Tristan ressemblait au Petit Prince, qu’il chante merveilleusement bien et qu’il faudrait être fichtrement de mauvaise foi pour ne pas le célébrer à sa juste valeur, sous prétexte qu’il dirige un journal concurrent, qu’il passe à la télé, participe à des recueils littéraires collectifs (au moins un) ou que ses parents sont célèbres, pourquoi pas?

J’avais chaud aux Francos, mais je suis quand même resté jusqu’à la fin. J’étais content parce que j’avais mal aux dents depuis trois jours et que ce dimanche, j’ai été guéri miraculeusement.

Quelle chaleur à Montréal, je pourrais dire on se croirait à Spa, mais je n’y suis jamais allé.

Assez de «je» pour aujourd’hui. Qui disait qu’il était détestable, déjà?

Je pourrais rajouter quelques vacheries sur le Tristan Malavoy patron de presse, mais je vais m’abstenir. Ce qu’il chante est trop beau. Dégageons l’horizon du passé et réécoutons-le.

De beaux éléments

9 mai 2012

Vous l’aurez compris, le précédent billet était pour préparer à celui-ci.

En 2006, Tristan Malavoy dirigeait les pages littéraires de l’hebdomadaire Voir, à Montréal. Également auteur-compositeur-interprète, il lançait cette année-là un premier opus, «Carnets d’apesanteur». Du «spoken word», annonçaient les communiqués, ce qui n’est qu’une manière un peu plus chic et moderne pour dire de la poésie récitée sur fond musical. Aïe. De la chanson, oui, mais des textes dits?

On y allait à reculons, à l’écoute de la galette du collègue. Et je n’étais pas le seul, tout mélomane fin lettré qu’on soit (hum).

Et pourtant, dès les premières minutes, on a été conquis. Était-ce la voix de sa choriste de luxe, Stéphanie Lapointe, qui se mariait sensuellement à celle de Malavoy? Les textes humbles, la voix calme et belle? Les ambiances sonores extrêmement réussies?

Peu importe, ça a été un coup de foudre immédiat, ainsi que les spectacles qui ont suivi. Parmi les milliers de disques de nos collections, «Carnets d’apesanteur» est revenu régulièrement sur la platine. Magnétisés par son mystère.

Aujourd’hui, Malavoy ne dirige plus seulement les pages littéraires mais le Voir – Montréal au complet. Il a dû gruger sur ses nuits de sommeil pour créer la suite, qui vient de paraître sous le titre «Les éléments». Jean-François Leclerc est de retour pour assister la réalisation avec le percussionniste Alexis Martin dans le rôle du petit nouveau. Tous deux signent également des musiques sur les textes du chanteur.

Chanteur? Ou diseur?

Non, c’est bien le mot chanteur qui sied ici. Car Tristan Malavoy a décidé de chanter davantage que de dire. Ce qui ne pourra que nous réjouir encore plus. Car il chante merveilleusement, on l’avait déjà constaté et écrit à l’époque.

Les mots s’habillent toujours de contemplation douce. Pour le morceau Voyons voir, il en emprunte au poète Roland Giguère.

Bien sûr, il faudra laisser le temps à ces beaux éléments de faire leur place. Certes, il faudra se passer de Stéphanie Lapointe (remplacée par Amylie). Mais il y a sur ce nouvel album assez de souffle poétique, de retenue, pour qu’on ait envie d’y revenir souvent, furieusement.


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