Posts Tagged ‘Le Devoir’

Jeunisme oblige

18 juin 2013

Lettre ouverte au Devoir
Réponse à Laurent Saulnier

Dans un article récent du Devoir, Sylvain Cormier signait un entretien avec le responsable de la programmation des Francofolies de Montréal Laurent Saulnier. Dans ce texte, qui ressemble à une complaisante causerie d’anciens combattants, Saulnier (jadis  journaliste au Voir) explique que l’organisation des Francofolies de Montréal est allée le chercher pour rajeunir son public.

Saulnier raconte que les «vieux» (pour reprendre son terme si respectueux) devaient peu à peu disparaître pour redynamiser les Francos. C’est donc à cause de lui que, depuis quelques années, on assiste à une lente et sûre disparation de tout un pan important de la chanson française : les chansonniers, les chanteurs poétiques, les gratteurs de guitares. Bref, tous les descendants de Félix Leclerc et Georges Brassens : dehors ! On ne veut plus de vous. Les seules mentions que vous aurez, ce sont les soirées hommage où ce qui compte, c’est la nostalgie compassée. Pas la célébration d’une chanson vivante.

Il en existe pourtant beaucoup des chansonniers très créatifs, avec un répertoire bien à eux, qui continuent à écrire des chansons nouvelles.  Par exemple, l’excellent auteur-compositeur-interprète belge Jofroi est au pays ces temps-ci, pour quelques récitals à Tadoussac, Québec, Sherbrooke, Montréal. Qui en parle ? Comment se fait-il qu’un tel artiste chante dans un petit bistro loin dans Montréal plutôt que dans un festival important ?

Ce type de chansons était défendu par Hélène Pedneault, dès qu’on lui confiait un micro (en remplacement, l’été). Ou Élizabeth Gagnon, à qui on doit la belle et défunte émission Chansons en liberté à la Chaîne culturelle de Radio-Canada, qui faisait de la place à ces chanteurs méconnus mais bouillants de sève. Qui diffuse désormais les Jacques Bertin, Jean-Marie Vivier, Jean Vasca, Morice Bénin ou Louis Capart ?

Notre époque macère dans le jeunisme, et Laurent Saulnier se fait ainsi le fossoyeur d’une certaine chanson française tout en prétendant tenir compte du goût de tous les publics ! C’est d’une incohérence rare !

Ces chansonniers que l’on écarte à Montréal, ils ont pourtant bouleversé plusieurs générations. Le producteur Pierre Jobin en fait encore venir à Québec.  Le festival de Tadoussac y consacre une part de sa programmation. L’Atelier à l’Écart en accueillait encore à Longueuil il y a quelques années.

Mais pas à Montréal. Pas au plus gros festival. Où on dissimule, pour être dans le vent, des artisans importants, avec la complicité des médias. Pourtant, il suffirait de lui redonner un peu d’espace pour que des générations plus jeunes y prennent goût.

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Facebookeries

7 octobre 2012

Quand j’ai débuté ce blogue, en juin 2011, un ami m’a fortement suggéré de m’ouvrir un compte sur Facebook afin d’en faire la promotion. Perplexe et réfractaire aux réseaux sociaux (surtout quand il y a des milliers de disques, de livres et de téléséries qui nous attendent), je me suis quand même mis à facebooker.

Effectivement, pour qui aime les échanges d’idées, les débats se font dorénavant beaucoup moins dans les journaux que sur les réseaux sociaux. Qu’on le veuille ou non, c’est là que ça se passe.

Par conséquent, lecteurs, ne vous étonnez pas de ne voir presqu’aucun commentaire directement sur ce blogue. Il faut aller sur Facebook (ma page). Ainsi, mon dernier billet ici a créé une petite tempête là-bas. Quelques personnes ont partagé mon texte sur leur mur perso, ouvrant plusieurs conversations en parallèle. Pas toujours faciles à suivre…

En gros, il y a eu des insultes et des éloges envers Cormier ou moi, plusieurs personnes semblaient s’entendre pour dire qu’un journaliste qui connaît vraiment son domaine aurait été plus approprié pour interroger Anne Sylvestre (au-delà du papier de Cormier qui se débrouille toujours pour bien faire passer la pilule). On aurait voulu plus de profondeur.

Mais à ma connaissance, personne n’a répondu à ça: est-ce qu’un quotidien comme Le Devoir (que l’on compare souvent au Monde) devrait mieux choisir ses chefs de rubrique? Je reste persuadé que jamais on ne confierait un article sur le théâtre ou le roman étranger au premier venu. Cormier n’est pas le premier venu en musique, mais en chanson française, oui.

J’ai eu des échanges privés avec des gens qui sont plutôt d’accord avec moi là-dessus, sur le fait que Cormier ne devrait pas s’octroyer la chanson française au Devoir ni à la radio, mais ils préfèrent rester dans l’anonymat.

Dommage car le débat reste ouvert et pertinent.

Coup de gueule francophone

3 octobre 2012

La semaine dernière, le quotidien Le Devoir prouvait encore une fois son mépris de la chanson française en publiant un article de Sylvain Cormier sur Anne Sylvestre. Dans son texte, le chroniqueur de variétés, grand amateur de Beatles et de Beach Boys, avouait ne pas connaître Sylvestre, jusqu’à tout récemment, pour préparer une entrevue avec elle. Quand on sait que la dame est une des plus grandes de toute l’histoire de la chanson, que ça fait plus de 50 ans qu’elle chante, il y a de quoi se poser des questions.

On se rappellera aussi que Cormier avait déjà avoué que, avant de faire de la critique chaque semaine dans l’émission de radio de Monique Giroux, il ne s’intéressait pas vraiment à la chanson française… Quand on sait toute l’affection que Giroux a pour les chanteurs d’outre-Atlantique, on peut se demander pourquoi c’est à Cormier qu’on a confié cette tâche essentielle. Pourtant, au Québec, on en trouve des journalistes amoureux de la chanson française. Je pourrais citer des noms. Au moins deux…

Je l’ai déjà mentionné ici, Sylvain Cormier est un des meilleurs journalistes culturels au Québec. Mais en chanson française, il n’a pas sa place. Qu’un journal soi-disant sérieux comme Le Devoir lui donne carte blanche ainsi laisse perplexe. Donnerait-on une rubrique littéraire à un journaliste qui n’aurait pas lu un minimum ses classiques? Une tribune sur le théâtre à un chroniqueur de jazz?

Ça rappelle quand Robert Lévesque, il y a 20 ans, déplorait qu’à l’émission de télé La bande des six, n’importe qui faisait de la critique d’une pièce sans être jamais allé au théâtre. C’est méprisant pour le théâtre, en concluait-il.

C’est la même chose pour la chanson. Ce n’est pas seulement Anne Sylvestre qui mérite mieux qu’un texte de Cormier, c’est tout l’art qu’elle pratique.

Pendant ce temps, on dévoile la programmation du festival Coup de coeur francophone. Ça ne cesse de décliner d’année en année. On ne prend même plus la peine d’inviter des artistes européens, ou si peu (Suarez et La Grande Sophie pour 2012). Quand on pense qu’on a déjà eu des Allain Leprest, Romain Didier, etc.

Ça fait peine à voir. Plusieurs artistes québécois de la programmation sont vraiment très bons, on est content pour eux que les journalistes étrangers ou des voyageurs puissent les découvrir ici. Mais le Coup de coeur ne s’adresse-t-il pas d’abord et avant tout au public québécois?

Et les amoureux québécois de la chanson, ce qu’ils sont en droit d’espérer d’un festival, c’est de la grande visite européenne, pas des gens qu’on peut voir tous les jours dans une salle près de chez nous.


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