Le journalisme, c’est bien, mais parfois on s’y sent à l’étroit: il nous prend à l’occasion le désir de raconter des choses qui ne sont pas forcément dans l’actualité immédiate et de le faire de manière plus personnelle. Certains écrivent des chroniques, d’autres utilisent les critiques de spectacles et de disques pour parler d’eux-mêmes. Moi je choisis la forme du carnet, et j’explique pourquoi ici.
Ce sera une catégorie à part sur mon blogue. Si vous cherchez des faits et seulement des faits sur l’actualité de la chanson, vous pourrez passer votre chemin. Ce seront des carnets d’un amoureux de la chanson, pour faire un clin d’œil à Moustaki qui vient de publier un Petit abécédaire amoureux de la chanson, nous y reviendrons…
Le propos, le ton, frôleront l’intime. Nous préférons vous en avertir.
Carnets chansonniers
Décembre 2012
J’aime beaucoup ce qu’on appelle les écrits intimes : journaux, lettres, carnets. En ce moment, je lis les notes qu’accumule André Major. Dans ce troisième tome, il y est beaucoup question de ses lectures. Je suis surpris de constater qu’il ne cite presque jamais d’écrivains contemporains, toujours des morts ou de très vieux. Et c’est lassant de voir que la curiosité des gens s’émousse avec l’âge. Major est écrivain, carbure à la littérature depuis un demi-siècle au moins, mais il semble passer son temps à relire toujours les mêmes auteurs – un champ plutôt vaste, certes, mais pourquoi se borner au passé ? Est-ce dû à un lecteur vieillissant ?
Je constate en musique sensiblement la même chose. Soit les mélomanes écoutent des morts (en classique, en rock, en chanson), soit ils ne jurent que par la nouveauté, faisant fi des ancêtres, ceux qui ont inspiré justement ceux qu’ils écoutent aujourd’hui.
À ma connaissance, si les journaux d’écrivains abondent, presqu’aucun auteur ne semble écrire intimement sur la chanson. J’ai eu envie, subitement, de combler ce vide.
Naturellement, dans ces carnets d’un amoureux de la chanson, il sera question des chers disparus, mais également de ceux qui respirent le même air que moi et décident de le chanter sur tous les tons.
Le plus récent recueil des carnets d’André Major s’intitule Prendre le large. Ça me rappelle que Morice Benin, chanteur poétique toujours en quête spirituelle – à l’extérieur du temps – a fait paraître une série de «cassettes pour prendre le large». L’œuvre de Benin court sur plus de quatre décennies, belle et riche, intense et contestataire (son titre phare est le plaidoyer Les pays n’existent pas). Hélas, de nos jours, plus personne ne prend le temps, ni ne fait l’effort d’écouter ces artistes qui ont un parcours si long et complexe.
On vit une époque fragmentaire. Un peu de ceci, un peu de cela, rarement de longues passions qui creusent une œuvre. On vit comme dans une série télé : on essaie d’éviter les pubs, on passe 42 minutes assez gourmandes, puis on change de sujet. L’art du carnettiste correspond bien à notre ère : on juxtapose les fragments.